Déterminée et créative, Gae Aulenti est parvenue à se faire un nom dans le milieu exclusivement masculin de l’architecture italienne du XXe siècle. Mondialement renommée pour ses aménagements muséaux, cette pionnière est également l’auteure d’inoxydables icônes du XXe siècle, comme sa table basse à roulettes ou la lampe Pipistrello.
Née en 1927 à Palazzolo dello Stella, en Vénétie, Gaetana dite Gae Aulenti (1927-2012) fait ses humanités à la prestigieuse École Polytechnique de Milan, dont elle sort diplômée en 1953. Elle y parfait ensuite ses connaissances en suivant une formation complémentaire qui promeut une architecture italienne engagée et dans la continuité de son histoire. Soucieuse de partager ses idées, elle enseigne successivement au sein de différentes institutions et intervient dans de nombreuses conférences à travers le monde pour les promouvoir.
Tout juste diplômée, Gae Aulenti accumule les prises de position détonantes dans un époque où le modernisme règne en maître : les valeurs architecturales de l’histoire doivent imprégner les constructions contemporaines. Aussi se place-t-elle d’emblée en opposition avec des architectes établis comme Le Corbusier, Ludwig Mies van der Rohe ou Walter Gropius, qui du passé font table rase. Ce parti-pris va de pair avec son adhésion au mouvement Neoliberty, qui préconise un retour aux méthodes de construction traditionnelles et à une forte expression stylistique personnelle.
En parallèle, Gae Aulenti intègre en 1955 la rédaction de Casabella en tant que directrice artistique. C’est par ce biais qu’elle peut exposer ses idées et concepts. Rapidement, ses compétences analytiques font d’elle une architecte respectée au sein de la profession.
Les créations design
Dès l’obtention de son diplôme, Gae Aulenti s’établit en tant qu’architecte mais aussi designer indépendante. Fidèle à ses idées, ses premiers pas dans le design sont empreints d’un mélange de modernité et de tradition. C’est la raison pour laquelle ses créations entremêlent formes nouvelles et matériaux du passé. Elle élabore successivement la table Jumbo (1965), la chaise 4854 (1968) ou encore le mobilier « Aulenti » (1969). Mais l’un de ses plus grands succès demeure la lampe Pipistrello (1965). Comme son nom le suggère, elle s’inspire de la silhouette d’une petite chauve-souris. Doté d’un abat-jour translucide en méthacrylate blanc qui singe ses ailes, le luminaire impose ses formes organiques dans les intérieurs des seventies et devient un best-seller toujours édité par les Toscans Martinelli Luce.
Gae Aulenti collabore ensuite avec le grand magasin La Rinascente et l’éditeur Zanotta pendant plusieurs années. Naissent alors la chaise pliante April (1964), à la structure en acier inoxydable habillée d’un dossier coloré amovible, et la table Sanmarco (1985), construite à partir de verre à vitre. Avec ces créations, Gae Aulenti signe deux best-sellers supplémentaires.
Les créations architecturales
D’un point de vue architectural, l’influence du moderniste Ernesto Nathan Rogers (1909-1969) sur l’œuvre de Gae Aulenti est remarquable. Tous deux partagent en effet une vision de l’architecte capable de comprendre et s’adapter aux transformations sociales et culturelles d’un pays. Suivant les préceptes du mouvement Neoliberty, Gae Aulenti soutient qu’une pièce doit être à l’image de ses occupants. Lors d’une interview accordée à Vogue, elle déclare ainsi : « Je conseille à quiconque qui me demande comment concevoir une maison de ne rien avoir, seulement quelques étagères pour des livres et des coussins pour s’asseoir. Il faut prendre position contre l’éphémère, contre les tendances passagères… Et revenir à des valeurs durables. » Gae Aulenti est finalement davantage en faveur du développement d’un style propre à chacun plutôt qu’une uniformisation de tendances vouées à s’essouffler.
L’aménagement muséal
Ses créations les plus mémorables surviennent dans l’architecture muséale. Dans les années 1980, Gae Aulenti acquiert en effet une renommée internationale en aménageant différents lieux de culture à travers le monde. Maîtrisant parfaitement l’art de la transformation, elle réhabilite successivement la Gare d’Orsay (1980-1986) puis le Palacio Nacional de Montjuic à Barcelone (1985-1992) en musées. Simultanément, elle réaménage également le Centre Georges-Pompidou (1982-1985) à Paris. À ce sujet, elle affirme qu’imaginer des lieux publics – et donc, d’une certaine façon, impersonnels – n’est pas une contrainte. Seules les personnes qui investissent les lieux sont différentes. Ainsi se confie-t-elle au Times en ces mots : « Il n’est pas possible d’associer mon travail à un style unique. Si vous concevez un aéroport, alors les avions sont importants. Dessiner un musée n’est pas plus compliqué. Je préfère les musées pour ma passion personnelle : l’art. »
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