Zen ou l'histoire d'une pièce intemporelle des sixties

Inspirée de la calligraphie chinoise, sa volupté sculpturale émerveille depuis 1969. Revêtu de beluga à l’origine, réédité en vinyle, il est aujourd’hui vitaminé grâce à un stretch satiné aux 20 couleurs. Avant-gardiste un jour, avant-gardiste toujours, l’assise culte du Hongkongais Kwok Hoï Chan est un coup de cœur de la rédaction. Décodage d’une écriture design intemporelle.

Collaboration inspirée

Est-ce sa formation d’architecte ? Lorsqu’il se met à dessiner des sièges, Kwok Hoï Chan se singularise par un principe constructif indéfectible. Pour suspendre un volume dans l’espace, il mise ainsi sur un tube métallique, à la fois dessin et ligne de force repliée sur elle-même. Autant dire que le natif de Hong-Kong est une bonne pioche pour la maison Steiner, alors en recherche de designers capables de retranscrire les aspirations de toute une génération. Dans l’hexagone comme partout, les années 1960 swinguent, faisant fleurir matières novatrices et volumes généreux. Alors que le mode de vie hippie privilégie l’assise au sol, l’arrivée de la télévision prolonge cette inclination, sur une vague aussi chromatique qu’organique. Comme avec Michel Mortier, Pierre Cardin et autres grands noms, la collaboration s’avère fructueuse et écrit une page historique du design français.

Folie des sixties pour une création détonante !
Folie des sixties pour une création détonante !

Une rigueur lyrique

Entre 1968 et 1971, les pièces d’exception se succèdent, déployant ce principe constructif dans l’espace. Tel le poisson de sable qui la baptise, la chauffeuse Limande relève d’une réflexion sur la mise en volume d’une structure strictement horizontale ! Le fauteuil Boxer, lui, résout le paradoxe d’un siège qui doit paraître léger malgré sa structure imposante… Que dire de la chaise longue Alligator ? Sa sculpture paraît tellement peu pratique qu’elle en serait quasi dissuasive.. Ou comment questionner la suprématie de la forme sur la fonction. L’époque est aussi au siège en mousse recouvert de tissu, aventure très française que symbolise Pierre Paulin notamment. Kwok Hoï Chan y prend sa part également. Faite de courbes et contre-courbes, sa chauffeuse Kaïdo compose avec ce courant dominant. Composé de chauffeuses juxtaposées ou dissociables,le programme Chromatique s’affranchit de l’exercice de style. Et ce dans une libre symphonie de volumes et couleurs.

S’asseoir sur l’alphabet

Synthèse de modernité et de tradition, son fauteuil Zen assoit magistralement cette créativité personnelle, à 34 centimètres du sol. Ce coup de maître est un succès commercial immédiat. Intransigeant sur le confort, Kwok Hoï Chan a sculpté le châssis en porte-à-faux dans son armature tubulaire de prédilection. Cette ingéniosité confère en fait à l’assise sa souplesse. Bien qu’affectionnant le tube chromé en vogue, il choisit ici de cacher son apparat métallique sous un textile élastique. Lignes audacieuses, sur 66 cm de haut. Formes enveloppantes, sur 96 cm de largeur et 69 cm de profondeur. Coussins en mousse, à la densité étudiée. Suspension toilée, glissant sur patins. Au spectateur comme à l’utilisateur, cet idéogramme design donne un sentiment de plénitude et de perfection.

Les lignes audacieuses et la forme enveloppante d’un modèle qui devenu iconique.
Les lignes audacieuses et la forme enveloppante d’un modèle qui devenu iconique.

Ce n’est décidément pas un hasard. Branche japonaise du bouddhisme, le zen invite à vivre dans présent, en mettant l’accent sur la méditation à partir de la posture assise. Dans ce fauteuil intemporel, à partir de 1 575 euros, reste à vivre l’ici et maintenant.

Kwok Hoï Chan, figure attachante du design international

Né à Hong-Kong en 1939, Kwok Hoï Chan y entreprend des études d’architecte. Il construit un immeuble pour une banque, un autre pour la société IBM. Par peur de voir son île occupée par la Chine populaire, il émigre en 1966 en Angleterre. Là, il travaille à la construction du luxueux paquebot Queen Elizabeth II. C’est en s’installant en France, ensuite, qu’il entame une collaboration avec la société Steiner. Arborant des lunettes à la John Lennon, ce créatif sensible y dessinera une série de créations iconiques au tournant des années 1960 et 1970. Inspiré de sa culture chinoise, son fauteuil Zen laissera une empreinte design. Dans le sillage de son succès, Hugues Steiner – fils du fondateur Charles Steiner – commandera à Kwok Hoï Chan la chaise Léda, dont les mille exemplaires seront l’apothéose d’une complicité créative fructueuse. Le designer s’établit ensuite au Canada. Revenu à Hong-Kong, il y décède en 1990.

> En savoir plus sur la marque Steiner et à découvrir en exposition sur The Good Concept Store au Printemps de l’Homme, boulevard Hausmann à Paris.