C’est en grande partie grâce aux femmes que l’esprit du Bauhaus a imprégné les tissus, et notamment l’atelier de tissage dirigé pendant quatre ans par Gunta Stölzl, designer textile allemande et grande figure du Bauhaus. C’est d’autant plus troublant que cette école révolutionnaire, née il y a cent ans, et qui a fédéré des arts aussi divers que l’architecture, le design, la peinture, la céramique, le textile, le bois, le verre et la peinture, a plutôt penché du côté de l’austérité, de l’obsession minimaliste et masculine et d’une certaine âpreté émotionnelle.
L’atelier textile se focalisera sur le tissage, parallèlement aux techniques du crochet, du nouage, du macramé, de la broderie… qui y seront également enseignées. « Le Bauhaus fut la concrétisation d’une nouvelle esthétique fondée sur le dépouillement et la géométrie, et représente une nouvelle quête de la forme et de la couleur en totale rupture avec tout ce qui a été fait auparavant, notamment avec l’art décoratif de la fin du XIXe siècle, commente Philippe Gonzalez, directeur artistique de Créations Métaphores. Mais ce fut surtout une aventure collective, humaine et audacieuse. Dans le domaine du textile, les motifs sont simples, les matières innovantes, les contrastes percutants, notamment entre la rusticité de certaines réalisations et la sophistication qui s’en dégage. Et cela est d’autant plus troublant que cette période fort courte, puisqu’elle correspond à l’entre-deux-guerres, a considérablement influencé le XXe siècle, et notamment participé à l’essor de l’industrialisation à la démocratisation du design. »
Dans la création textile, l’influence du Bauhaus se traduit par un travail particulier de la matière, du dessin et de la couleur, par des dominantes de motifs graphiques, de rayures, de formes simples et abstraites. Des éléments repris par Créations Métaphores cette saison à travers une dizaine de lignes, dont trois répondent aux thèmes développés par l’illustre école. Mies, pour commencer, est un uni en lin et en laine au toucher doux et sec, dont la belle texture capte la lumière. Autre de ses vertus, la très grande résistance de ses fibres destinées à aussi bien recouvrir des sièges qu’à confectionner des tentures et des rideaux.
Associant pour la première fois technique de teinture, impression et rasage spécial du velours à des hauteurs différentes, Vassily, travaillé sur la base du velours de coton St Germain, évoque un autre thème fort du mouvement : l’innovation. Révélant la subtilité des couleurs, l’effet graphique est des plus réussis. Quant au modèle Lutétia, un jacquard en soie et coton né des savoir-faire des soieries lyonnaises et des studios de tissage de Créations Métaphores, il est assurément celui qui illustre le mieux le mariage entre l’art et l’artisanat.
« On se reconnaît complètement dans cette défense des savoir-faire d’exception que le Bauhaus a prônée dès son origine, reprend Philippe Gonzalez, mais pas uniquement. Car il a également une forte résonance aujourd’hui, il fait écho à nos interrogations sur l’environnement, la durabilité, la production locale, la sauvegarde des métiers ancestraux et l’innovation. Il aborde la notion de recyclage, qui est également au cœur de notre réflexion, tout comme la résistance, la longévité, la traçabilité des matières, leur haute qualité ou les fibres majoritairement naturelles. Car, au-delà d’une esthétique, le Bauhaus est également une philosophie, il apporte un supplément d’âme. »
> Créations Métaphores. 5, rue de Furstemberg, 75006 Paris. Tél. : 01 46 33 03 20.