Classée aux monuments historiques de Paris depuis 2008, la péniche Louise-Catherine a sombré dans la Seine ce samedi 12 février. Partiellement posée sur le quai d’Austerlitz suite à la décrue des récentes inondations, la barge a fait l’objet d’une remise à flot avant de disparaître en une vingtaine de minutes en raison d’une voie d’eau causée par la manœuvre.
Construite en 1919 par l’Office National de la Navigation, l’embarcation de 70 mètres de long et 8 mètres de large fut l’une des premières à être réalisée en béton armé. D’abord destinée au transport du charbon lors de la Première Guerre mondiale, elle est acquise en 1928 par Madeleine Zillhardt (1863-1950). Alors qu’elle pleure la mort de la peintre suisse Louise-Catherine Breslau (1856-1927), sa compagne que certains de ses contemporains comparent à Degas, la décoratrice décide de racheter la péniche Liège, qui croupit dans le port de Rouen, et de la céder à l’Armée du Salut, à la seule condition qu’elle porte le nom de celle qui a partagé sa vie durant plus de quarante années.
Déjà associé à l’Armée du Salut pour la Cité de Refuge dont le chantier s’apprête alors à démarrer dans le XIIe arrondissement de la capitale, Le Corbusier est désigné en 1929 pour rénover la barge en un « asile flottant » dédié à l’hébergement des sans-domicile. Dans « un vaste local divisé en trois dortoirs », l’architecte raconte alors avoir aménagé « 160 lits, une salle à manger, des cuisines, W.-C., lavabos, douches, l’appartement du marinier, l’appartement du directeur » ainsi qu’« un jardin suspendu sur le toit de la péniche ». Le toit-terrasse, déjà une obsession chez Le Corbusier…
Inaugurée le 1er janvier 1930, la barge sert de refuge jusqu’en 1994. Laissée à l’abandon, elle est rachetée en 2006 par l’association Louise-Catherine, qui souhaite la reconvertir en centre culturel. En parallèle de sa rénovation estimée à 1,2 million d’euros appuyée par les Monuments historiques, elle accueille ainsi des expositions et des résidences d’artistes, comme celle de Frederick Gauthier. Ancien directeur artistique devenu plasticien, il en a fait son atelier une année durant pour façonner 100 théières en ciment, exposées in-situ lors de l’édition 2015 des D’Day’s (un modèle a été choisi pour être édité par Serax).
A peine achevés, les travaux supervisés par les architectes des Monuments Historiques gisent désormais au fond de la Seine. Pas découragés pour autant, les propriétaires de la péniche envisagent maintenant différentes levées de fonds pour faire appel à un grutier et la renflouer dès la fin de la décrue. Une opération risquée face aux 800 tonnes de l’embarcation presque centenaire, mais qui permettrait de présenter dans les délais la prochaine exposition d’architecture prévue au mois d’octobre.