Depuis vos débuts, vous cherchez à concevoir de nouveaux objets capables de nous reconnecter à notre environnement. Comment cette réflexion a-t-elle débuté ?
J’ai commencé à développer l’idée des Topiques en 2009, lors de mon projet de diplôme à l’ENSCI-Les Ateliers qui comprenait une fontaine publique filtrant l’eau de pluie. Ensuite, en parallèle de missions pour Didier Faustino, Olivier Peyricot et le pôle Recherche de la Cité du design de Saint-Etienne, j’ai continué à approfondir cette idée, notamment au Japon, lors d’une résidence de quatre mois au centre d’art de Kitakyushu. Cette période de réflexion m’a permis d’ancrer cette recherche autour de différents contextes. Sur les murs aveugles des bâtiments par exemple, en imaginant d’y appliquer une peinture thermo-chromique qui renseignerait sur la température extérieure…
Mais c’est en France que vous avez réalisé vos premiers projets…
Oui, avec un collecteur de feuilles mortes qui utilise uniquement l’énergie du vent. Mais c’est au Jardin des Cimes, en Haute-Savoie, que mon premier projet in situ a pris place. L’association et l’entreprise d’insertion professionnelle qui le gèrent m’ont contactée pour concevoir un dispositif d’irrigation pour leur potager. J’ai donc imaginé un micro-réseau local qui utilise la pente du jardin pour récupérer et distribuer l’eau. Le tout avec un très petit budget, mais suffisant pour créer un entonnoir de trois mètres de diamètre ou des éléments en grès qui infusent l’eau dans le sol.
L’eau semble centrale dans votre travail…
C’est un sujet récurrent mais ce n’est pas le seul élément qui m’intéresse. La preuve avec Topique-Soleil, un dispositif plus proche de la performance qui utilise le corps comme un cadran solaire. Mais effectivement, en 2014, grâce à une bourse de Lille Design, j’ai pu produire un miroir de ciel alimenté à l’eau de pluie. Depuis 2012, je m’intéresse également au réseau parisien d’eau non-potable, vétuste et sous-exploité. Je cherche à diversifier ses usages…
Une recherche qui vous a d’ailleurs valu de décrocher un Audi Talents Award en 2015…
Grâce à ce prix génial, j’ai eu la liberté de travailler pendant un an sur ce sujet. La bourse Audi Talents m’a permis de réaliser plusieurs prototypes proposant de nouveaux usages pour cette eau non potable. Pour irriguer les jardins collectifs, j’ai imaginé des arrosoirs associés à un bassin de phyto-épuration. Pour nettoyer les cours d’immeubles, un seau qui se remplit par le fond grâce à de nouvelles bornes d’alimentation. Et enfin, pour rafraîchir les places publiques en période de forte chaleur, des bouches de rafraîchissement. Pour ces trois propositions, le remplissage par le dessous est utilisé pour faire comprendre que ce n’est pas une eau potable.
Avez-vous pu mettre ces prototypes en application ?
La mairie de Paris est très intéressée par ma démarche. Ces projets ont d’ailleurs été exposés au Pavillon de l’eau mais pour les mettre en service, on me demande de financer les coûts de production. Même pour les chantepleures, ces arrosoirs qui se remplissent par le fond, les grandes jardineries me demandent un produit clé en main, packaging compris. Et je n’ai pas spécialement envie de monter une entreprise de chantepleures…