« C’est quoi, être algérien aujourd’hui ? » demande un journaliste à Kamel Daoud. Et l’écrivain, Prix Goncourt du premier roman en 2015, de répondre : « C’est grosso modo se souvenir (…). Cette préséance de la mémoire vient aussi de l’angoisse devant notre présent, notre avenir. » Ajoutant : « Je voudrais conquérir, pas me souvenir, construire au lieu de restaurer. » Une ambition que partagent les cinquante artistes participant à la 2e Biennale des photographes du monde arabe contemporain, issus notamment de deux pays du Maghreb, l’Algérie et la Tunisie, deux terres d’islam plus connues pour leurs difficultés économiques, sociales et politiques que pour leur actualité artistique.
L’exposition Ikbal/Arrivées, présentée à la Cité internationale des arts, permet à une vingtaine de jeunes talents algériens de traduire leur quotidien, parfois même de façon poétique. Parmi eux, Abdelhamid Rahiche a réalisé des portraits saisissants de quelques habitants de la cité Climat de France, chef-d’œuvre architectural construit sur les hauteurs de Bab El Oued, à Alger, devenu un ghetto surpeuplé (et déjà immortalisé par Stéphane Couturier en 2014).
À l’Institut du monde arabe, c’est la photographie tunisienne qui se révèle, témoignant de préoccupations plastiques, conceptuelles ou documentaires. Ainsi, Mouna Karray, explorant la construction des identités, montre un corps accroupi et entièrement drapé d’où émerge une main tenant le fil du déclencheur d’un appareil, l’acte photographique devenant un acte libérateur.
Quant à la Maison européenne de la photographie, elle offre ses cimaises à Hicham Benohoud, Farida Hamak et Xenia Nikolskaya, Russo-Suédoise qui témoigne de l’opulence passée de l’Égypte, son pays d’adoption, en répertoriant les bâtiments abandonnés. Une deuxième édition – dédiée à Leila Alaoui, disparue lors des attentats de Ouagadougou en janvier 2016 –, qui charrie assurément son lot de belles surprises.
2e Biennale des photographes du monde arabe contemporain. Dans huit lieux parisiens, jusqu’au 12 novembre.