Il est 18 heures pétantes. Guillaume Delvigne dessine tandis que ses collègues de studio partent rejoindre leur coach sportif. Trentenaire, grand et svelte, le regard passionné, l’homme semble pour sa part avoir trouvé l’épanouissement dans son métier. Il donne l’impression d’assumer consciencieusement le devoir de designer qu’il s’était fixé ado à Saint-Nazaire, séduit alors par les dessins animant le premier spot publicitaire de la Twingo (Renault, 1994), et par l’ambiance – « comme à la maison, avec des chocolats chauds posés sur la table » – des bureaux des étudiants de l’École de design Nantes Atlantique puis du Politecnico di Milano (dont il sort diplômé en 2002). « Pour la première fois, se souvient-il, je concevais le travail comme un rêve : dessiner toute la journée, imaginer des objets novateurs. »
De la côte Atlantique à Milan, tour de Babel du design italien, il a été amené à côtoyer les maîtres à penser qu’il avait observés sur diapositives, comme George J. Sowden. Le cofondateur du groupe Memphis l’a accueilli en stage, l’ouvrant au pléthorique parcours d’Ettore Sottsass – que l’apprenti designer considérait jusque-là comme « outrancier » –, ainsi qu’à une pleine pratique du dessin. Il lui a donné l’opportunité de s’exprimer tout en lui mettant un pied à l’étrier industriel chez SEB et chez ses aînés, Marc Newson par exemple.
Rapidement, Guillaume Delvigne a bousculé les formalités du monde de l’édition durant le Salone del Mobile en présentant « In Dust We Trust » : une collection d’objets issus d’un prototypage rapide, prêts à être vendus directement, conçue avec Ionna Vautrin et d’autres designers étrangers engagés à Milan « chez les grands… Citterio, Dordoni et De Lucchi ». C’était en 2004. « Je suis de ceux qui sont arrivés sur le marché au moment du boom des design weeks et des expos éphémères, pour lesquelles les organisateurs promettaient souvent la lune, comme la production des prototypes… Aujourd’hui, je préfère compter sur de jeunes éditeurs. » En 2011, à son retour en France, la mise au point d’une gamme pour Tefal (répétée pour la série « Feeling », en 2015) lui permettra d’ouvrir son studio en solo.