Créer dès ses premières années d’activité un produit best-seller, l’année suivante, à peine trentenaire, recevoir le titre de designer de l’année… Nombre de jeunes pousses aimeraient en faire autant ! Ce début prometteur, c’est celui qu’a connu Sylvain Willenz lorsque, repéré par Mark Holmes, le co-fondateur d’Established & Sons, il dessine en 2008 pour l’éditeur londonien une lampe réalisée en PVC baptisée Torch. « Cela m’a lancé, m’a ouvert des portes, reconnaît Sylvain Willenz. J’ai aussi compris que la démarche d’expérimentation que j’affectionne était une bonne chose, mais qu’elle devait aboutir à un véritable produit. »
Car à l’instar d’un Géo Trouvetou, Sylvain Willenz aime se frotter à la matière et à la fabrication. Pendant ses études, il passe du temps dans une usine qui le laisse faire des essais. Et en 2002, il invente Dr. B, une assise qui mêle bambou et caoutchouc, vite repérée par la presse et auréolée d’un prix à la biennale Intérieur de Courtrai. Celle-là même qui lui décerna le titre de designer de l’année en 2009. À 37 ans, après avoir vécu aux États-Unis, en Belgique et au Royaume-Uni, Sylvain Willenz est souvent présenté comme un designer industriel. Lui préfère se considérer comme « quelqu’un qui imagine des produits les plus pertinents possible et travaille avec l’industrie. J’aime autant développer ma vision esthétique de l’objet que m’intéresser au travail industriel. Je suis passionné par cette idée du produit fabriqué en série, par l’intelligence derrière la mise en œuvre. » Et par les matériaux, ce qui le pousse à expérimenter les matières plastiques, mais aussi le bois et le verre, comme lorsqu’il répond en 2012 à l’invitation du Cirva (Centre International de Recherche sur le Verre et les Arts plastiques) à explorer de nouveaux territoires. Avec de tels centres d’intérêt, devenir designer semblait une voie logique. Et pourtant… « J’ai toujours eu un attrait pour le dessin,pour la bande dessinée, ce qui n’a rien de surprenant pour un Belge, plaisante-t-il. En sortant de l’école, je voulais faire de l’illustration mais je n’étais pas très sûr de moi. Alors j’ai suivi le cursus de Design Product du Royal College of Art de Londres où, pendant la première année, on touche à tout. C’est là que j’ai découvert le design et cette forme d’interrogation. Car lors de cette approche, le leitmotiv est : pourquoi ? On nous apprend à tout remettre en question. Aujourd’hui, de mon intérêt pour l’illustration, il me reste le fait de dessiner en 3D et un certain trait dans mes créations. »
L’expérimentation chevillée au corps
Rien d’étonnant donc à ce que son portfolio compte des tapis et des tissus. « Quand Chevalier Édition m’a proposé le premier de créer un tapis, j’ai cru qu’il serait difficile de passer de la 3D à la 2D, mais en réalité, un tapis n’est pas plat, il demande à prendre en considération de multiples éléments en relief. » Naîtront ainsi Folk (2012) et Grades (2014) puis, en 2015, Fields (Ligne Roset), Levels (Nodus) et Volume (Menu). L’expérimentation ne quitte donc pas le designer. « La prise de risque est importante car j’adore les challenges… Il faut sans doute être un peu maso pour s’infliger cela », confie-t-il, songeur. Loin du mobilier, il accepte en 2008 de dessiner un disque dur externe pour le fabricant Freecom, mais ne se contente pas de relever le défi : il imagine le plus petit modèle au monde. Toujours en quête de nouvelles expériences, il lance un pavé dans la mare du design et de la distribution en proposant très tôt un espace marchand sur son site Internet : « Je me suis dit que cela m’ouvrirait sur autre chose, génèrerait peut-être des contacts, des rencontres, des partenariats… Mon travail de designer ne doit pas se limiter à dessiner un produit pour un client. Il y entre aussi des considérations commerciales, pratiques, comme l’expédition… Aujourd’hui, grâce à l’espace marchand et à toute la logistique qui en découle, je me pose d’autres questions quand je crée un objet. » Entre ses nombreux projets, la formation et les jurys à l’ECAL, le nouveau rêve de Sylvain Willenz est de créer le produit ultime, mêlant nouvelle expression et technologie : une chaise. Quoi de plus étonnant pour un homme à l’assise déjà bien établie ?