À Cucciago, dans la région de Côme, la belle histoire de Rubelli appartient à la ville qui l’a vu naître. Dans l’atelier d’origine, la soie, le coton, la laine, le lin et les fibres synthétiques sont tissés sur les 28 métiers Jacquard qui produisent un demi-million de mètres de tissu par an. Sur quatre autres métiers à tisser du XVIIIe siècle, on confectionne à la main des velours anciens. Résultat : un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros (toutes sociétés du groupe confondues) et plus de 7 000 références diffusées au siège vénitien, le Palazzo Corner Spinelli, et dans les showrooms de Milan, Rome, Paris, Londres, Bruxelles, Moscou, Kiev, Dubaï et des États-Unis. « C’est ce qui en fait l’un des plus importants groupes de tissus italiens et même européens, révèle Pascal Regnault, directeur général France depuis dix ans. Si Rubelli véhicule une certaine image patrimoniale, cela ne veut pas dire qu’elle se morfond dans un élégant passéisme. »
La raison de ce succès ? Sophie Lattes, qui assure avec Alberto Pezzato depuis cinq ans la direction artistique de la maison. Le duo s’inspire des archives pour créer et donner une cohérence aux collections ainsi que le ton du « magalogue » Rubelli Venezia. « Il ne s’agit pas simplement de créer un produit commercial, poursuit Pascal Regnault, mais d’inventer un concept, une identité, de véhiculer une image. » Pour le résidentiel comme pour le « contract », l’usine de Côme gère la production de A à Z : sélection des fils, définition de la palette chromatique, design, fabrication et distribution. « On ne cherche pas à faire uniquement de l’esthétique, reprend-il, mais à relever des défis, créer avec des tissages innovants, développer à partir d’un fil quelque chose d’inédit. » Depuis 2013, le papier peint fait partie de la maison qui en est à sa seconde collection avec « Walls of Venice II ». Cette année, la reproduction de la gravure de Venise Gran Canal Wall de Luca Carlevarijs (XVIIIe) vient compléter les collections de tissus reproduites sur papier comme « San Marco », « Vendramin », « Reticolo », « Venier », « Principessa Kocacin » et « Lady Roxana ». À côté du linge de maison que la marque réalise pour des commandes particulières pour le yachting, le tapis représente également un secteur de niche chez Rubelli. Avec des laines du Tibet cardées et filées à la main, des soies et des viscoses, ils sont tissés là-bas.
Entre Venise et Milan
Parallèlement aux collections de tissus Rubelli Venezia, la maison diffuse depuis 2001 la ligne Dominique Kieffer (aujourd’hui « Dominique Kieffer by Rubelli ») dont la direction artistique est assurée depuis deux ans par l’architecte et designer Paola Navone. En 2005, Rubelli accueille la marque américaine de tissus, de revêtements muraux, de mobilier et de luminaires Donghia et, depuis 2008, la licence Armani/Casa Exclusive Textiles. La dernière création phare de la maison date de cette année avec « Rubelli Casa », la première ligne de mobilier, soit quarante-sept modèles déclinés en bureaux, bibliothèques, fauteuils, tables et chaises en wengé, palissandre, paille de Vienne, peausserie et tissus. Un mix entre Venise et Milan, dessiné par l’architecte Luca Scacchetti qui s’est inspiré de l’école lombarde d’après-guerre et des architectures milanaises des années 60. Cette collection s’accompagne de partenariats avec des maisons comme Fendi, Missoni, les chaussures Santoni ou le spécialiste des revêtements en cuir Studio Art en 2010. L’univers de la décoration (Molteni, Cassina, Moroso) s’est également acoquiné avec la marque vénitienne ainsi que le monde des fragrances, comme Acqua di Parma, les lampes Charles et tout dernièrement la maison Caran d’Ache qui a participé à la réalisation du catalogue Rubelli Casa.
Depuis sa création, Rubelli effectue de véritables prouesses techniques pour des commandes spéciales : les damas du musée de l’Albertina de Vienne, le rideau de scène du théâtre du Bolchoï à Moscou, les brocarts des palais royaux de Monza, Venise, Gênes et du palais Gritti à Venise. Même soutien aux musées FAI et Peggy Guggenheim ainsi qu’à de nombreuses expositions : « Conversation en silence » au château de Vaux-le-Vicomte ou « Le roi est mort », scénographiée par Pier Luigi Pizzi à Versailles, pour laquelle la maison a réalisé 170 mètres de tissus.
À lire
Rubelli. Una storia di seta a Venezia, de Irene Favaretto, en italien,
49 €, éditions Marsilio.