Né en 1920 dans une famille de la bourgeoisie milanaise, Vico Magistretti a très rapidement cultivé sa créativité auprès des plus grands. Lors de ses études d’architecture au Politecnico de Milan, ses professeurs se nomment Gio Ponti ou Piero Portaluppi, le créateur de la mythique villa Necchi Campiglio. Retour sur le parcours du génie italien.
Durant la Seconde Guerre mondiale, il est contraint à l’exil en Suisse mais poursuit ses études à Lausanne. En 1945, une fois son diplôme en poche, il rejoint le studio de son père, également architecte, et participe avec lui à de nombreux projets.
Ce sont les années 1950 qui le propulsent finalement sur le devant de la scène internationale. Fort de propositions novatrices et pleines d’initiatives, Magistretti incarne à merveille la « troisième génération » d’architectes. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’il prenne part, en 1956, à la création de l’Association pour le Design Industriel (ADI), le bras armé du design italien, qui décerne les fameux prix Compasso d’oro.
Son apport à l’architecture a de révolutionnaire l’utilisation qu’il fait de l’espace. Dans le contexte de reconstruction d’après-guerre, il s’attaque aux moindres surfaces encore disponibles, les recoins. Il exploite alors leur potentiel au maximum et utilise des matériaux sobres, typiques de la période. Les façades sont exemptes d’ornements et comportent de nombreuses fenêtres, donnant de l’importance à la lumière.
En ne tenant compte ni de l’environnement géographique ni de l’héritage culturel, sa modernité se rapproche grandement du Style International. S’il existe bien deux bâtiments représentatifs de cette période, ce sont la Tour du Parc de la via Revere (1953-1956), qu’il conçoit avec Franco Langoni, et l’immeuble de bureaux du Corso Europa (1955-1957).
Un designer à succès
À la même période, Vico Magistretti consacre de plus en plus de son temps au design. Il dessine alors la chaise Carimate (1959), dont l’assise en paille suggère une ruralité incorporée à l’urbanité, elle-même exaltée par le rouge vibrant de la structure. Une association qui regarde vers l’avenir et l’industrialisation grandissante à laquelle ce grand défenseur de la production de masse aspire.
En intriquant simplicité et sophistication, le succès rencontré est fulgurant. Dès lors, Magistretti multiplie les best-sellers pour Artemide, Cassina, B&B Italia, O Luce ou Kartell.
En 1965, le maestro Vico Magistretti est dans le métro lorsque lui vient à l’esprit la lanterne de Jean Valjean, personnage des Misérables. Et s’il l’adaptait au goût de l’époque ? Sous les coups de crayon du designer, l’object fictif devient, au dos d’un banal ticket de métro, une lampe de table bientôt culte.
Parfait équilibre entre forme et fonction, la création offre une source de lumière directe ou diffuse selon l’orientation de sa coque. Séduit, Artemide édite, en 1967, cette lampe Eclisse qui rencontre un succès immédiat et remporte le prix Compasso d’Oro la même année. Elle appartient aujourd’hui à la collection permanente des plus grands musées du design comme le MoMa et le Triennale Design Museum à Milan.
Le canapé Maralunga (1973) et la bibliothèque Nuvola Rossa (1977), succès commerciaux internationaux dès leur sortie, font encore partie des meilleures ventes de Cassina aujourd’hui.
Les années 1960, un tournant dans les productions de Magistretti
À partir des années 1960, la pratique architecturale de Magistretti prend un nouveau tournant. Son attention se porte désormais sur l’habitat : c’est le moyen pour lui de développer un langage dont l’expressivité est maîtresse.
Les infrastructures comme les objets sont nécessairement liés à l’intimité de leurs propriétaires. Aussi doivent-ils être significatifs et non limités au simple rôle de bâtisse. Les constructions, quelles qu’elles soient, doivent être à l’image de ceux qui les habitent. Quoique vivement critiqué, ce manifeste nouveau influe fondamentalement la culture architecturale italienne de l’époque.
La naissance de ce nouveau langage prend acte dans la conception de la Casa Arosio (Arenzano, 1958). Cette maison, qu’il expose au XIe congrès du Congrès International de l’Architecture Moderne (C.I.A.M.), officialise son adhésion au mouvement moderne. Éminemment polémique, elle contribue largement à la crise subie par le mouvement C.I.A.M. qui se dissout peu de temps après.
Les années 1960 marquent également un changement dans sa production de design. Prolifique, il imagine une multitude de meubles et d’objets qui participent d’une recherche formelle de la simplicité géométrique.
Il porte alors un réel intérêt au détail conceptuel. En d’autres termes, il met en lien ses activités d’architecte et de designer. En répondant d’abord aux besoins fondamentaux des utilisateurs, sa simplicité permet de créer des objets intemporels.
Pour Vico Magistretti, ce qui fait l’objet n’est pas son aspect esthétique mais bien l’absence de toute fioriture. La lampe Atollo (1977), éditée par Oluce, suit ces préceptes de minimalisme conceptuel.
Simple par sa forme, elle est dotée d’un pied cylindrique qui se transforme en cône à son sommet. Son abat-jour demi-sphérique est relié à la structure par un élément très fin qui, dès que la lampe est allumée, laisse penser que son abat-jour est en lévitation.
Des projets architecturaux variés
Si, tout au long de sa carrière, Vico Magistretti fait d’incessants allers-retours entre design et architecture, c’est à cette dernière qu’il se consacre à la fin de sa vie.
Il élabore aussi bien des bâtiments privés que publics, techniques que simples. Il dessine ainsi la faculté de biologie d’État de Milan (1978-1981), un projet de maison à Piazzale Dateo (1984), la villa Tonimoto à Tokyo (1985-1988), le Technocentre de Risparmio di Bologna (1986-1988) ou encore le supermarché Esselunga di Pantigliate (1997-2001).
Récompensé à de multiples reprises, Vico Magistretti a bousculé le design et l’architecture du XXe siècle. Au-delà de ses nombreux best-sellers toujours édités, ses avancées théoriques continuent d’imprégner notre façon d’habiter.