Faire partie d’un club étrange où la caféine et le champagne coulent à flots, ça vous tente ? Où se pose la planète mode lors des défilés parisiens ? Comment être au bon endroit au bon moment ? IDEAT décrypte la mode à Paris et a traqué les meilleures adresses en la matière. Elles sont également très fréquentables le reste de l’année, pour les vrais gens, car la mode a bon goût !
Deux fois par an, Paris rassemble artistes, beautiful people, mannequins et fashionistas pour un marathon particulier. Pas de dossard mais des stilettos, pas de classement mais des chuchotis, pas de podium, on dit runway ou catwalk. C’est la saison d’arpenter les trottoirs parisiens en ciblant trois secteurs où sneakers de collection et chaussures de créateurs vont faire fondre le bitume. C’est également le moment d’être très vigilant au volant : influenceurs, socialites et blogueurs jaillissent sans prévenir.
La Fashion Week, tous les amoureux de la mode ont envie d’en être. Pour piocher des idées, croiser des looks invraisemblables, observer la surenchère d’une industrie d’apparence frivole, mais qui rapporte des milliards, traquer les tenues improbables, espionner les richissimes clientes vêtues de pétrodollars à l’entrée des défilés, tenter d’y accéder pour avoir le privilège de rester debout dans une salle surchauffée en espérant que ça commence. Entre haute couture et prêt-à-porter, entre masculin et féminin, 36 journées effervescentes drainent, chaque année, plus de 5 000 visiteurs venus du monde entier.
Où dorment-ils ? Où mangent-ils (quand ils mangent) ? Où dansent-ils ? Les events sont organisés dans des lieux emblématiques à Paris, à l’image du Grand Palais, adoubé par Karl Lagerfeld pour Chanel, le palais de Chaillot (Rochas), le palais Galliera ou le palais de Tokyo, mais les cartons d’invitation dirigent parfois vers des adresses surprenantes, comme le manège de la Garde républicaine (Hermès), l’hippodrome de Longchamp (Dior), voire l’hôtel du Crédit foncier de France (The Row), où les guests étaient abreuvés de jus détox. Quelques ambassades sont des spots à surveiller, sans négliger d’autres sites inhabituels, comme l’Aquarium de Paris…
En mars, pour la Fashion Week automne-hiver 2022-2023, une foule de jeunes gens jouait des coudes pour attendre – trop longtemps – Pharrell Williams, Naomi Campbell, Rihanna… (enceinte et toute de transparences enveloppée), devant le palais Brogniart où la marque Off-White rendait hommage à Virgil Abloh. D’aucuns n’avaient pas hésité à courir au parc des Expositions Paris Le Bourget pour apercevoir Salma Hayek et sa fille Valentina à la présentation Balenciaga. Pour voir et être vu, il convient donc de traîner dans quelques quartiers bien ciblés et surtout aux bonnes heures.
Tribus d’arrondissements
Certains ne naviguent qu’autour du VIIIe et du XVIe, fiefs de la haute couture et des palaces. Une autre obédience ne quitte pas le Marais, et le prêt-à-porter ne jure que par le XIe. L’œil du cyclone reste néanmoins le Ier arrondissement, entre le Louvre, le Grand Palais et les Tuileries où se déroulent nombre de manifestations. Dans les allées du jardin, les tenues des influenceuses piquent les yeux. On peut espérer y croiser Virginie Dhello, alias Vee, Mélanie Huynh ou Patricia Bright, prêtresses du style. Du côté des palaces, direction le lobby du Meurice, où dorment les princesses, ou le bar du Plaza Athénée – en réussissant à se faufiler dans l’une des soirées organisées par les maisons de couture.
Devant les hôtels de la rue de Rivoli, les groupies tentent d’apercevoir les stars conviées par les susdites griffes (parfois payées par celles-ci) pour décorer joliment les premiers rangs. On peut scruter les divas de la mode et lorgner le nouveau look de Gigi Hadid. Rive droite toujours, le Triangle d’or (avenues Montaigne, des Champs-Élysées et George-V), plutôt fréquenté par les grandes marques et les pétro-princesses, s’encanaille et dérive rive gauche, selon un axe nord-sud qui mène vers le palais de Chaillot et le Trocadéro, où Saint Laurent a pour habitude de dresser son immense boîte, en passant par le palais de Tokyo, qui accueille nombre d’événements et de présentations.
Tout comme il y a des camps géographiques, il y a ceux qui sont attachés aux bonnes vieilles enseignes et ceux qui ne jurent que par la nouveauté. Les premiers continuent de se rendre chez Castel, qui a repris des couleurs (rouge), pleurent le Montana (club germanopratin sélect de la rue Saint-Benoît), à quelques mètres du Café de Flore, qui vient de rétrécir en restaurant italien. On lui préférera de loin Loulou, le restaurant du MAD, qui donne sur les Tuileries, dont la carte est délicieuse, et le Silencio des Prés, récent spot incontournable, dix ans après la naissance du grand-frère lynchien, le Silencio de la rue Montmartre.
Les restaurants les plus en vogue pendant la Fashion week
« La Maison du caviar, pendant les défilés, c’est le Flunch des Halles. » La phrase, volée par notre maître ès mode à tous, Loïc Prigent, est tirée de son ouvrage culte (J’adore la mode mais c’est tout ce que je déteste, éd. Grasset). Et c’est vrai, la Maison du caviar attire, dans son décor fantasque signé Oitoemponto et inspiré de l’Orient-Express, une faune extravagante, séduite par les œufs d’esturgeon pleins d’oligoéléments et qui ne se posent pas sur les hanches. Avec une vodka aromatisée aux noisettes, c’est parfait.
Chez Drouant, où Hermès, Valentino et Balenciaga ont pour habitude d’organiser des événements, on croisera, avec un peu de chance, Hedi Slimane ou Fabrizio Casiraghi. Les dîners sont toujours de mise à la Brasserie Lipp et au Café de Flore. Dans le Triangle d’or, c’est à La Demeure Montaigne que l’on rencontre les rich and famous. Les équipes des créateurs, elles, préfèrent définitivement le XIe arrondissement de Paris, on l’a dit, et se retrouvent, par exemple, pour faire la fiesta à La Casbah, rue de la Forge-Royale, très commode pour glisser du bar à cocktails au live club en passant par le restaurant, pour ceux qui ont encore de l’énergie.
Deux attitudes alors : ceux qui profitent à fond des fontaines de champagne, des rendez-vous éphémères et des parties jusqu’au bout de la nuit pour évacuer le stress, et ceux qui abordent l’épreuve comme de grands sportifs, à coup de jus healthy. L’essentiel – quand l’agenda est devenu fou et que se profilent plusieurs invitations à dîner par soir – étant d’avoir un bon chauffeur !
Pour le petit déjeuner, ou plutôt le coffee to go avant la première collection, direction le Café Nuances (25, rue Danielle-Casanova) qui torréfie ses crus et blends inédits dans un espace canon, sublimé par le jeune collectif d’architectes Uchronia. Grandes chances d’y croiser créateurs et rédactrices de mode. On peut aussi être invité à partager le premier repas de la journée dans un lieu incongru. Poser sa tasse de thé au milieu des souliers du chausseur Cosmoparis, par exemple. Même en période de rush, on ne skip (sèche) pas le lunch !
Quand il n’a pas avalé une bouteille d’eau et quelques chips accompagnées d’un comprimé de vitamine C dans un Uber entre deux présentations, le pro évite la surchauffe en déjeunant sur le pouce d’un en-cas parfaitement dosé : jus de céleri, matcha premium glacé de Toraya (cantine de Virginie Dhello), chou kale, açaï bowl, voire quelques « fashion huîtres » pour les oligoéléments. Le serveur qui proposerait la carte des desserts pendant la Fashion Week devrait changer de métier. Pour se ressourcer et lâcher la pression, certains se défoulent au Punch Boxing Studio (3, rue de Richelieu) ou s’offrent une rapide pause yoga.
L’after-show est l’intervalle idéal pour débriefer, échanger ses impressions sur les créations, « dézinguer » ou encenser, inventer une légende ou mettre à mort. C’est le moment d’aller fureter du côté des bars d’hôtels dont les chefs imaginent des « bouchées haute couture ». On se souvient du lieu éphémère aux couleurs de la maison Chopard à l’Hôtel Vendôme, du Ritz Bar qui a choisi d’ouvrir ses portes à l’automne dernier – pile pendant la Fashion Week –, histoire de poser délicatement quelques jolies filles et jolis garçons dans ce décor Belle Époque version moderne pour lancer son nouveau pré carré.
Le Grand Hôtel du Palais-Royal proposait, quant à lui, une carte de « cocktails beauté ». Le dîner reste l’acmé de la journée. Chez Gigi Paris, la table en vogue perchée tout en haut du théâtre des Champs-Élysées, où les marques de l’avenue Montaigne réunissent leurs invités. Chiara Ferragni et Anthony Vaccarello adorent. Le dernier restaurant du Fitz Group, Vesper, séduit les accros aux tendances avec ses makis au corail d’oursin accompagnés de bière péruvienne. Reste à s’amuser jusqu’au bout de la nuit. Au bar boudoir du restaurant Fitzgerald, rappelant la prohibition, ou chez Roxie, qui fait renaître l’esprit du Chicago de l’époque en plein cœur de Paris, ambiance sulfureuse et lumières tamisées façon music-hall… Pour être branché, vivons cachés. Dans ces écrins, à Paris, on renoue avec le plaisir de danser, danser, danser librement, avant de retrouver son chauffeur pour un nouveau marathon fashion. Dans quelques heures !