Après les pionnières, IDEAT vous présente la deuxième partie de son anthologie du design féminin. Des créatrices qui apportent une sensibilité nouvelle au mobilier contemporain…
Gae Aulenti (1927-2012)
Diplômée en architecture de l’École polytechnique de Milan, celle qui fut l’une des rares femmes du design italien du XXe siècle est l’auteure de la lampe Pipistrello (1965, Martinelli Luce), qui demeure un best-seller de l’histoire du design. Plus récemment, on a redécouvert l’une des premières collections de mobilier de jardin, « Locus Solus », dessinée par la créatrice en 1963, de style pop. En France, Gae Aulenti est aussi célèbre pour avoir transformé en musée la gare d’Orsay (de 1980 à 1986). Tout au long de sa carrière, elle a établi un dialogue entre histoire et création contemporaine.
Bodil Kjær (1932-)
En 2018, la Danoise Bodil Kjær a été la star surprise, à 86 ans, du Salon international du meuble de Milan, après que différents éditeurs scandinaves (Carl Hansen, Karakter, Holmegaard…) ont décidé de rééditer une dizaine de ses créations d’après-guerre. Cette architecte de formation, qui a exercé à Copenhague, aux États-Unis et à Londres, mais a aussi aménagé des bureaux à travers le monde, a mis à profit sa culture du bâti dans des pièces de mobilier rigoureuses, telle que la lampe Cross Plex (1961, Fritz Hansen), taillée comme une croix et composée de Plexiglas. Elle illustre bien la démarche de la créatrice, en recherche d’objets intelligents et élégants.
Nanda Vigo (1936-2020)
Nanda Vigo est un ovni du design italien. Elle fonde son studio à Milan en 1959 et crée des sculptures optiques en verre et en aluminium. Elle mène simultanément des projets d’architecture surprenants, comme la Zero House (1959-1962), toute blanche. Car la lumière est au cœur de sa vocation. Ses travaux pour Arredoluce combinent acier chromé et technologies innovantes, comme avec le lampadaire Golden Gate (1970), premier luminaire halogène conçu en Italie. Dans les années 80, la designer s’aventure vers la couleur. Elle dessine pour des marques comme Driade, Flou, Glas Italia ou Kartell. Son meuble le plus célèbre reste la Due Più Chair (1971), de l’acier tubulaire recouvert… de fausse fourrure.
Rena Dumas (1937-2009)
Un style feutré et confortable, des matériaux luxueux, une modernité tempérée, une opulence discrète… Pendant plus de quarante ans, l’architecte et designer Rena Dumas a traduit en espaces l’esprit d’Hermès. Celle qui fut l’épouse du président de cette maison familiale a œuvré avec son agence d’architecture intérieure et de design, RDAI, à la création ou à la rénovation de plus de trente magasins par année, mais aussi de mobilier, comme la méridienne Pippa (1988, avec Peter Coles), toujours pour Hermès, ou d’autres clients, comme La Redoute.
Danielle Quarante (1938-)
Après des études à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs (Ensad), où elle est admise en 1959, Danielle Quarante se tourne vers le design industriel. Lorsque les matières plastiques déferlent en France au mitan des années 60, elle s’empare de ces nouvelles ressources qui lui permettent de brasser convivialité, ergonomie, esthétique et technologie. Une signature que l’on retrouve dans son fauteuil Albatros (1969, Airborne) en polyester et fibre de verre, qui offre résistance et élasticité. Présenté au Salon des artistes décorateurs en 1969, à Paris, il a désormais rejoint les collections du Centre Pompidou. Cette pionnière est l’une des premières designers à utiliser un ordinateur pour ses conceptions et à introduire une formation de design dans un cursus d’ingénieur.
Zaha Hadid (1950-2016)
Chef de file du mouvement déconstructiviste, lauréate du prix Pritzker en 2004, l’architecte et urbaniste irako-britannique s’emploie à repousser les lois de la gravitation dans des projets qu’elle a déployés dans le monde entier : de la caserne de pompiers du campus Vitra, en Allemagne (1993), au musée MAXXI, à Rome (2010), de la médiathèque Pierresvives, à Montpellier (2012), à la piscine olympique de Londres (J.O. de 2012). Ses pièces de mobilier sont dans la même veine organico-futuriste : tables laquées, comme l’Aqua Table (2005, Established & Sons), bancs en marbre, lampes (Artemide), canapés (Moon System pour B&B Italia)…
Paola Navone (1950-)
Après des études à l’École polytechnique de Turin, sa ville natale, Paola Navone intègre en 1979 le groupe Alchimia, où elle côtoie Ettore Sottsass et Andrea Branzi. Elle a su imposer dans le design et la décoration un style bohème élégant et décontracté, nourri de ses nombreux voyages en Asie. Milanaise d’adoption, cette designer, décoratrice et directrice artistique multiplie les collaborations depuis 2000 avec Gervasoni, Serax, Baxter ou, plus récemment, Ethimo, avec la collection « Rafael » (2019).
Odile Decq (1955-)
Rare femme architecte à la stature internationale, elle est connue pour son usage du noir dans ses projets, comme pour l’extension du musée d’Art contemporain à Rome (Macro) ou le FRAC Bretagne (Fonds régional d’art contemporain). L’ancienne directrice de l’Ecole spéciale d’architecture, qui est aussi urbaniste et designer, a créé sa propre structure pédagogique à Lyon. Elle dessine des objets minimalistes (lampes pour Luceplan) et a, en 2019, présenté une collection de mobilier coloré teinté d’humour, dont Splash !, une table pour la galerie Philippe Gravier, à Design Miami Basel.
Nathalie Du Pasquier (1957-)
Designer, sculptrice et peintre, la Bordelaise Nathalie Du Pasquier est l’un des membres fondateurs du groupe Memphis. Installée à Milan depuis 1979, auteure de la plupart des motifs iconiques de ce groupe qu’elle a quitté en 1985, elle s’est ensuite adonnée à la peinture et produit depuis une trentaine d’années des compositions minimales et géométriques. Elle continue à collaborer avec des marques comme Hermès (plaids) et Hay (coussins ou serviettes de bain, comme la He She It), pour lesquelles elle dessine des motifs destinés aux objets du quotidien. Ses tapis sont toujours édités par Post Design, l’éditeur historique de Memphis Milano.
Patricia Urquiola (1961-)
Designer talentueuse et prolifique, elle imprime au design contemporain un regard joyeux et élégant. La plus italienne des Espagnoles est installée à Milan, où elle a étudié à l’École polytechnique avant d’ouvrir son agence en 2001. Directrice artistique de Cassina (avec notamment une première collection outdoor) depuis 2017, elle collabore aussi avec Moroso – pour qui elle a longtemps conçu le stand au Salon du meuble de Milan, ou encore le fauteuil Tropicalia (2008) ou la chaise Mathilda (2013). Flos, CC-tapis, Kettal, Gan, Glas Italia, Agape, Mutina… les plus belles marques la sollicitent car elle sait allier les techniques du design industriel à un regard poétique.
Ilse Crawford (1962-)
Cette Britannique a fréquenté la fac d’histoire avant de venir au design et à l’architecture intérieure… par le journalisme ! En 2001, elle fonde son studio à Londres pour des clients qui recherchent sa patte unique pour créer des ambiances chaleureuses et épurées dans des appartements, des hôtels… ou pour dessiner des meubles cosy et bien pensés. La designer collabore avec des éditeurs pointus (Zanat, De La Espada) comme avec des géants de la grande distribution (suspension et tabouret Sinnerlig, 2015, pour IKEA), qui donnent vie à ses projets de meubles d’inspiration scandinave.
Hella Jongerius (1963-)
Spécialiste de la couleur, la designer néerlandaise est devenue célèbre pour sa capacité à allier matériaux et textures, industrie et artisanat, technique de pointe et savoir-faire. Diplômée de la Design Academy Eindhoven en 1993, elle crée son propre studio de design, le Jongeriuslab, aujourd’hui installé à Berlin. Elle y développe un processus itératif mis en scène l’été dernier dans une exposition pour Lafayette Anticipations. En plus de ses projets avec Maharam et Danskina, elle est directrice artistique responsable des couleurs et des matériaux chez Vitra, pour qui elle a conçu l’East River Chair (2014), et collabore avec la Galerie Kreo.
Matali Crasset (1965-)
Diplômée de l’École nationale supérieure de création industrielle-Les Ateliers (ENSCI), Matali Crasset fait d’abord ses armes chez Philippe Starck, où elle est bientôt nommée responsable du projet Thomson Multimédia, en 1994. En 1998, elle ouvre son propre studio de design et alterne depuis des expositions dans des galeries (notamment pour Thaddaeus Ropac), des projets institutionnels (la bibliothèque mobile Bibliobeach, à Istres, ou encore Saule et les Hoppies, pour le Centre Pompidou) et des collaborations avec des marques comme Dunlopillo ou IKEA (comme la lampe PS 2017 Light, en 2016) pour du mobilier grand public. Son trait précis, qui privilégie les « scénarios de vie », la modularité, les couleurs et les formes organiques, est immédiatement reconnaissable et en fait l’une des principales ambassadrices du design français à l’étranger.
Inga Sempé (1968-)
Après avoir obtenu son diplôme à l’ENSCI et réalisé une résidence à la Villa Médicis, la Française Inga Sempé s’est fait une place de choix sur la scène du design hexagonal avec ses objets à la fois confortables, ergonomiques et poétiques. Son style opère une synthèse inédite entre la rigueur scandinave et la fantaisie méditerranéenne, ce qui lui permet de travailler avec des éditeurs italiens (Magis, Mutina, Alessi…), français (son canapé Ruché, en 2013, est devenu un best-seller du catalogue Ligne Roset) ou danois (son rangement mural Pinorama pour Hay, en 2014).