Tsuyoshi Tane, l’archéologue du futur, s’expose à la Cité de l’Architecture

C’est dans la mémoire des lieux que Tsuyoshi Tane puise l’inspiration. Cet architecte du souvenir réveille des bâtiments en ruine et des lieux désaffectés pour leur offrir une nouvelle vie. À travers cette approche, qu’il a baptisée "L’archéologie du futur" et initiée en 2016 avec le projet du Musée national estonien, il métamorphose le paysage urbain en créant des ponts entre passé et avenir. Pour mieux comprendre sa méthode, IDEAT s’est rendu à son atelier parisien et à la Cité de l’architecture et du patrimoine qui lui consacre actuellement un accrochage limpide autour de ses trois réalisations majeures. 

Ce n’est pas par hasard si l’ATTA – Atelier Tsuyoshi Tane Architects – se situe sur les hauteurs d’un ancien parking du XIIe arrondissement de Paris, sous une vaste verrière. Cette volonté s’inscrit dans sa méthode, L’archéologie du futur, qu’il cristallise sur papier glacé en 2018 (Tsuyoshi Tane – Archaeology Of The Future, aux éditions Toto), qui suit la lignée de la pensée d’Antoine Lavoisier (1743-1794) : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Ainsi, l’architecte, né au Japon en 1979 et installé en France depuis une quinzaine d’années, s’oppose aux principes de son pays d’origine visant à démolir pour reconstruire. Au contraire, il s’efforce, lui, de rénover et de restaurer. Tel un archéologue, il fouille jusqu’à révéler les racines des anciens bâtiments pour s’y accrocher et s’en sert de fondations pour ses futurs projets de musées, d’hôtels, de coulée verte ou encore de maisonnette de jardiniers.


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Une méthodologie artisanale

Chaque projet suit la même méthodologie. Les équipes commencent les travaux par des recherches visuelles en rapport avec l’histoire des lieux. Ensuite, sur des gigantesques panneaux, telles des fresques, ils accrochent leurs trouvailles de manière disparate, par exemple une pomme ou une brique rouge pour le projet de la construction du Musée d’art contemporain de Hirosaki (Hirosaki Museum of Contemporary Art), en 2020 sur la plus ancienne cidrerie du Japon.

Portrait de Tsuyoshi Tane.
Portrait de Tsuyoshi Tane.

Au fur et à mesure, ils rassemblent ces éléments pour former des axes de réflexion sur les formes et les couleurs notamment. Des mots-clés en surgissent, constituant un canevas qui fait, pour terminer, place aux plans qui serviront à la conception de la maquette.

L’ATTA, l’Atelier Tsuyoshi Tane Architects, en est rempli. Celles-ci sont réalisées à l’ancienne : « L’imprimante 3D n’aura jamais sa place chez nous. Le toucher et sa relation à la matière sont, pour Tsuyoshi Tane et ses collaborateurs, essentiels », précise Elsa Willmott, directrice administrative du cabinet. Tout est fait à la main, à l’aide de différents matériaux, parfois improbables comme des éponges à gratter.

Maquettes et recherches réalisées en vue de la réalisation du Musée national estonien (2016).
Maquettes et recherches réalisées en vue de la réalisation du Musée national estonien (2016).

Peu importe les projets – l’ATTA conçoit aussi bien des immeubles comme l’Imperial Hotel de Tokyo (livraison prévue en 2036), que des scénographies d’expositions dont celle de “Éternel Mucha” (2023) au Grand Palais immersif et des bouteilles de saké empreintes de grains de riz, en écho à leur histoire – la maquette joue un rôle primordial.

Une histoire continue

Certaines maquettes sont particulièrement abouties, à l’instar de celle du Musée national estonien, cédée à la Cité de l’architecture et du patrimoine, où elle est présentée le temps de l’accrochage Une archéologie du futur. Cette exposition met l’accent sur les trois projets muséaux phares de Tsuyoshi Tane : Le Musée national estonien (2016), l’espace muséal de la Collection Al Thani à l’Hôtel de la Marine à Paris (2021) et le Musée d’art contemporain de Hirosaki (2020).

Le Musée national estonien est le dernier projet signé DGT (Dorell.Ghotmeh.Tane) – l’agence que Tsuyoshi Tane a fondée avec Dan Dorell (1973) et Lina Ghotmeh (1980) en 2006. © Takuji Shimmura / Courtesy of DGT
Le Musée national estonien est le dernier projet signé DGT (Dorell.Ghotmeh.Tane) – l’agence que Tsuyoshi Tane a fondée avec Dan Dorell (1973) et Lina Ghotmeh (1980) en 2006. © Takuji Shimmura / Courtesy of DGT

Le plus marquant est sans doute le premier, construit sur une ancienne piste d’aviation soviétique à Tartu. Spectaculaire et résolument futuriste, l’édifice symbolise l’envol de l’Estonie suite à son indépendance retrouvée, mais aussi celui de Tsuyoshi Tane en tant qu’indépendant. Une fois ce projet signé DGT (Dorell.Ghotmeh.Tane) – l’agence qu’il a fondée avec Dan Dorell (1973) et Lina Ghotmeh (1980) en 2006 – terminé, il crée son propre atelier et fait de L’archéologie du futur son fil conducteur.

Ainsi, il réinterprète le style rocaille de l’Hôtel de la Marine pour y concevoir l’espace muséal de la Collection Al Thani. En suspendant des ornements évoquant ceux utilisés dans les appartements d’origine, il crée une immersion entre passé et présent, renforcée par un sol brillant qui les reflète, reprenant lui-même des motifs du parquet Versailles des salons de l’intendant. Enfin, la transformation de la plus ancienne cidrerie du Japon en Musée d’art contemporain assure une « mémoire continue » entre l’histoire du site et son avenir culturel. Tout l’art de Tsuyoshi Tane !

La GardenHouse de Tsuyoshi Tane Vitra. © Julien Lanoo
La GardenHouse de Tsuyoshi Tane Vitra. © Julien Lanoo

> Exposition « Tsuyoshi Tane – Une Archéologie du Futur », jusqu’au 4 novembre 2025 à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Plus d’informations ici.


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