La Lisbonne futuriste pulse aussi intensément du côté du parc des Nations, inauguré en 1998 pour l’Exposition universelle, orné de la gare do Oriente, dessinée par Santiago Calatrava, et du deuxième plus grand aquarium d’Europe, l’Oceanário, dont la conception et le design sont de l’Américain Peter Chermayeff. Mais aussi à Belém, avec le Museum of Art, Architecture and Technology (MAAT), confié à l’architecte anglaise Amanda Levete, l’impressionnant siège social d’Energias de Portugal (EDP), bâti par le Lisboète Manuel Aires Mateus, et la fondation Champalimaud, un centre de recherche international sur le cancer, édifié par l’architecte indien Charles Correa en 2010. Livré l’an passé par João Luís Carrilho da Graça, le monumental terminal de croisières est stratégiquement situé au pied de l’Alfama, plus vieux quartier de Lisbonne, où (à ce jour) plus de 520 000 passagers ont déjà débarqué de 320 paquebots pour s’ébrouer quelques heures avant de repartir.
Ainsi, la capitale portugaise bouge à un rythme hallucinant. Elle remonte aussi la crise financière de 2008 en misant sur une fiscalité attractive. Un appel du pied reçu cinq sur cinq par les sociétés Accenture, Uber et Zalando, qui implantent ici leurs centres stratégiques. Microsoft s’est installée près de l’Oceanário tandis que Google a choisi la ville d’Oeiras, à moins de 20 km à l’ouest de la capitale. La jeune génération est à l’aise dans ce Lisbonne du XXIe siècle, retroussant ses manches pour se faire une place au soleil. Le chef José Avillez (38 ans) fait partie des grandes réussites lisboètes. En dix ans, il a transformé la ville en eldorado gourmand avec ses onze restaurants. Son enthousiasme reste intact : « Lisbonne s’étend, se dote de banlieues. Le tourisme n’a pas encore atteint tout son potentiel et cette énergie encourage de jeunes chefs, à l’image de Pedro Pena Bastos qui a ouvert sa table il y a deux mois, ou d’António Galapito, à la tête du Prado. »
De son côté, Virginie Soares, ancienne élève de l’école Boulle, s’est spécialisée dans la décoration et le sourcing via sa plateforme Lisbon Connexion : « Le made in Portugal est artisanal et artistique et ma clientèle en est friande. Je fais par exemple régulièrement intervenir sur mes chantiers des ateliers de céramique de l’Alentejo. » De fait, nombreux sont les architectes d’intérieur français qui font appel à l’ébénisterie portugaise pour leurs projets d’aménagements sur mesure. Son ami Tiago Patrício Rodrigues (38 ans) a quant à lui installé son agence d’archi d’intérieur Puracal dans la LXFactory, où il vend ses pièces de design : « Lisbonne est en plein boum depuis trois ans : cosmopolite, connectée au Brésil, à l’Afrique. Nous sommes fiers de notre artisanat, de nos galeries d’art comme de nos artistes internationaux, tels que Vhils dont on voit les œuvres sur les murs de la ville. »
Très prisée pour de courts séjours, Lisbonne est aussi un peu victime de son succès et de sa petite taille. À défaut de chiffres officiels, il suffit d’additionner nuitées d’hôtels, croisiéristes et Airbnb pour dénombrer environ 2,5 millions de touristes ! Comme Berlin, Barcelone ou Paris, la ville souffre d’un tourisme massifié – surtout l’Alfama qui compte plus de touristes que d’habitants (Airbnb a subi une augmentation des offres sur sa plateforme de 92 % en 2017 !). Il faut ajouter les résidents étrangers attirés par la défiscalisation de leurs revenus. Les Français installés au Portugal ont même quintuplé en quatre ans. L’ambassade de France recense environ 17 500 ressortissants (45 % vivent à Lisbonne) dont un tiers de retraités.
Les exonérations visent aussi les non-Européens qui obtiennent le Visa d’or, un titre de séjour leur permettant de résider et de circuler librement au Portugal, avec les membres de leur famille, à condition d’investir dans une entreprise locale ou dans l’immobilier et de demeurer dans le pays une ou deux semaines par an minimum. À cause de l’immobilier qui flambe, les étrangers sont accusés de pousser les Portugais vers les banlieues. En réalité, dû à la dégradation de la ville, l’exode a commencé il y a dix ans. Une loi des années 50, promulguée sous le gouvernement d’António de Oliveira Salazar (1889-1970), gelait les loyers.
Conséquence : les propriétaires n’entretenaient plus leurs biens. Une nouvelle loi permet désormais aux propriétaire de récupérer plus facilement un logement à condition de le rénover. Effet pervers : celui-ci mue aussitôt en Airbnb très rentable dont le loyer, indexé sur les prix européens, est moins imposé… qu’une location à long terme ! Cet ensemble de facteurs explique que la population lisboète se réduise à 547 000 habitants. On comptait 800 000 habitants en 1981 !