Voilà quelques années que les habitants du quartier voyaient ces deux étranges tours pousser. Dessinés par Jean Nouvel, ces colosses penchés et hauts de 120 et 180 mètres ont officiellement été inaugurés le dernier jour de l’été 2022. Si l’une des Tours Duo — c’est leur nom — abrite uniquement des bureaux, l’autre les fait cohabiter avec un hôtel incroyable : le TOO Hotel, par Laurent Taïeb et Philippe Starck.
TOO Hotel : imprenable
Laurent Taïeb et son associé Pascal Donat remportent en 2015 un concours de la mairie sur l’exploitation des étages 17 à 27 et du lobby de la Tour Duo 2 de Jean Nouvel. Désormais franchisé MGallery, ce 4 étoiles vertigineux offre une vue panoramique sur un Paris inédit, loin des monuments historiques, en plein cœur d’un centre d’affaires. Le paysage est presque brooklynien si on se perd dans le ballet de la gare ferroviaire, plutôt semblable à Los Angeles si on zoome sur le périphérique et ses embouteillages.
139 chambres et suites, dont six avec terrasses, se déploient donc sur 8 étages. Au 25e, le TOO Restaurant opère, fier de six mètres de haut sous plafond et de contours entièrement dessinés de verre. Au 27e étage — le 26e fait la jonction et offre les commodités —, le Tac Tac Skybar est la cerise sur le gâteau : un lieu festif, dans la veine des plus beaux bars new-yorkais, doté d’une large terrasse offrant une vue imprenable sur Paris. Ces deux étages ont en commun de partager une carte ouverte sur le monde élaborée par le chef Benjamin Six. Celle-ci marie shakshouka, tatakis et bao burgers et propose de les arroser de cocktails inédits.
5 questions à Laurent Taïeb, fondateur du Too Hotel
IDEAT : Avec Madame Rêve, vous signiez votre premier hôtel. Quelles différences sont à noter avec le TOO Hotel ?
Laurent Taïeb : Pour Madame Rêve, j’étais le décorateur ainsi que le directeur artistique et l’exploitant. J’avais donc à peu près toutes les casquettes. C’était formidable à vivre ! Mais je suis bien content que cela soit derrière moi et d’avoir travaillé de façon différente pour le TOO Hotel, avec celui qui est mon copain depuis 30 ans, Philippe Starck. Côté artistique, tout le monde le sait, c’est lui qui décide de tout quand il accepte un projet. Mais pour cet hôtel, le deal était de véritablement travailler de concert : si quelque chose ne me plaisait pas, il ne le faisait pas. Alors, je lui ai raconté mon rêve, ce dont j’avais envie, ce que je ne voulais pas, à qui je destinais l’hôtel… Et lui les a traduit. Aussi, la plus grande complexité de ce projet, et peut-être ce pourquoi il demeure si inouï pour moi, était le fait qu’il fallait l’intégrer avec celui d’un autre architecte star : Jean Nouvel. Comment rentrer à l’intérieur de sa vision ? Le travail était donc radicalement différent que celui de Madame Rêve.
Justement, quelle relation avez-vous noué avec Jean Nouvel ? Est-il intervenu dans votre proposition ?
L. T. : Il n’est pas intervenu sur nos intérieurs mais sur les points qui concernaient les extérieurs et les façades, notamment. Quand nous avons pensé les chambres par exemple, la menuiserie extérieure et les fenêtres ont été composées à partir de ses schémas initiaux, afin de maximiser les vues. Tout le plan de façade a été optimisé en fonction du positionnement des lits, des circulations, des douches, des baignoires… Certaines ont une vue sur la Tour Eiffel ! Nous avons aussi ajusté quelques points de la partition architecturale de la Tour Duo 2 initiale : quand nous avons remporté le concours, il nous est paru évident, à Jean Nouvel comme à Philippe Starck et à moi-même, d’ouvrir les couloirs des étages des chambres afin de proposer, là aussi, des vues sur Paris. Encore elles ! Ainsi, nous avions beaucoup d’alignements communs.
Quelle était votre vision pour cet hôtel ?
L. T. : Ma vision était celle d’un monde meilleur. J’ai grandi dans une tour d’HLM du 19e arrondissement où la vue n’était pas celle que vous avez au TOO Hotel. Quand je me suis aperçu, au début du concours, que l’espace proposé était perché à 17 étages de haut, je me suis dit : « c’est un signe du destin ! » Cet hôtel représente donc un rêve que j’avais envie de vivre quand j’étais petit garçon. Un voyage… Philippe Starck l’a traduit par l’idée d’un « château dans le ciel ».
Avez-vous l’objectif de devenir une destination à Paris ?
L. T. : On a l’impression qu’on doit faire venir les gens jusqu’au TOO Hotel mais, en réalité, cette zone du 13e arrondissement est le deuxième centre d’affaires de Paris. On n’est aussi finalement qu’à deux kilomètres et demi de la Cathédrale de Notre Dame. Les centres d’intérêt de la capitale sont également bien plus proches pour nos clients que pour un touriste qui aurait élu domicile dans les 15e ou 16e arrondissements. Notre cible, les 25-40 ans, sont des voyageurs nomades qui utilisent des trottinettes ou des vélos électriques. Ceux qui seront heureux de retrouver Uber Eats dans leur chambre en guise de room service. Un touriste moderne, quoi ! Ce sont finalement peut-être les Parisiens de l’ouest qui seront les plus compliqués à convaincre de se déplacer à l’est. Mais il y a tellement de concurrence à l’ouest que nous allons ouvrir Vincennes et Saint-Mandé à de nouvelles perspectives. Je pense finalement qu’il est plus difficile de se confronter à la concurrence dans le 1er arrondissement que dans un quartier où nous seront naturellement les vedettes.
Pour finir, pourquoi ce nom ?
L. T. : C’est d’abord un clin d’œil au nom des tours : ‘Duo’, comme two en Anglais. Mais la histoire principale est que nous avons envisagé le TOO Hotel comme une adresse too sexy, too much, too funny… Un lieu unique par rapport à la ville dans laquelle il s’intègre et même unique au niveau international. Combien y-a-t-il de paquebots pareils dans les grandes villes ? Un ou deux peut-être… Cet hôtel est une démesure !
> Too Hotel. 65 Rue Bruneseau, 75013 Paris. Réservations.