En matière de communication, le slogan « Le poids des mots, le choc des photos » d’un célèbre hebdomadaire français n’a jamais été autant d’actualité. Aujourd’hui, en effet, les marques soignent leur image en combinant un contenu original sur tous les canaux : photographies ultra-léchées, vidéos « inspirationnelles », logos singuliers, produits percutants dans des packagings créatifs, lieux promettant une expérience… Et plus besoin de multiplier les interlocuteurs pour développer cette stratégie à 360 degrés.
De nombreux studios de création proposent une prise en charge globale en s’appuyant sur une équipe multitâche : designers graphique, objet, espace ou packaging, rédacteur, planneur stratégique, illustrateur, architecte, motion designer... Ils s’appellent Studio be-poles, Services généraux, 5.5 ou Label famille et font partie de ces acteurs pluridisciplinaires. Leurs clients sont aussi variés que leurs prestations : de grands noms de la mode, de la cosmétique ou du luxe qui lancent un produit ou une collection, mais aussi de nouveaux établissements qui souhaitent asseoir leur concept, des institutions ou de grands groupes qui veulent montrer d’eux une facette différente…
Guider sans diriger
Chefs d’orchestre de la création, ces experts guident en amont leurs clients pour affiner, voire parfois définir la bonne stratégie. « Une marque qui vient à nous a une vision plus ou moins précise d’elle-même et de ses besoins, explique Clémentine Larroumet, cofondatrice avec Antoine Ricardou de Studio be-poles, créé en 2000. À nous de développer l’aspect créatif sans rien imposer, mais en repoussant parfois les limites. Nous proposons d’abord des moodboards pour inspirer le client, lui donner envie d’aller plus loin. Avant tout projet, nous créons aussi une “bible” qui pose dès le début toutes les valeurs de la marque, lui révèle qui elle est. Nous établissons ensuite les champs d’intervention requis: le travail sur l’identité, l’architecture, voire la scénographie du lieu, comme nous l’avons fait en 2012 pour le NoMad Hotel, à New York, et pour celui de Londres, qui ouvre en février. »
Après la brasserie Gallia, Maison Plisson, La Salle de Sport, le studio vient d’accompagner MAM, la Maison de cuisine de la cheffe Stéphanie Le Quellec. Architecture, identité visuelle, décoration, emballages, présentation des produits, et communication, tout a été pensé pour une expérience globale. Un exemple du savoir-faire de Studio be-poles qui, après avoir lancé sa propre marque, défend le « narrative design », c’est-à-dire le fait de révéler la philosophie d’une marque.
La force commune de ces experts ? Une créativité débridée. En témoigne le travail de Services généraux. Créé en 2016 et dirigé par Valentin, architecte et designer, et par Antoine, directeur artistique, le studio propose des projets d’architecture, d’espace, de design ou d’animation, pour Louis Vuitton, Nike, Carven, Nina Ricci, Ambush ou encore IKEA… « Nous ne sommes spécialistes de rien, mais cela nous rend capables de dialoguer avec tous les métiers, assurent les fondateurs. Une marque qui souhaite quelque chose de différent vient nous chercher justement pour cette pluridisciplinarité. C’est notre capacité à penser “outside the box” qui plaît et qui nous permet de proposer tous types de contenus. »
L’équipe d’une dizaine de personnes imagine notamment des films et des images poétiques et esthétiques, sans être minimalistes. « Nous ne sommes pas dans l’effusion de projets, poursuit le duo fondateur. Nous produisons beaucoup, mais nous ne montrons que ce qui est vraiment maîtrisé, qui nous ressemble parfaitement. » Services généraux mène également un travail personnel avec « Autoportrait », une collection d’objets manifestes, présentée chaque année.
Le design d’auteur au service des marques
La signature est aussi ce que viennent chercher les marques. Comme auprès de 5.5, créé en 2003 par Vincent Baranger, Jean-Sébastien Blanc, Anthony Lebossé et Claire Renard. Le collectif s’est fait connaître par ses projets manifestes qui ont forgé son identité, comme « Réanim : la médecine des objets », la collection « Les Objets ordinaires », « Ouvriers-Designers » en partenariat avec la Fondation d’entreprise Bernardaud… Entre packaging, design produit, identité visuelle et architecture intérieure, l’équipe interne de 5.5 aligne, aujourd’hui, une trentaine de compétences mises à disposition de marques aussi variées que Ricard, Nature & Découvertes, Duralex, Tarkett, Nespresso, Atelier Cologne ou encore la mairie de Paris !
De la communication à la création
Un travail qui peut se résumer ainsi : le design d’auteur au service des marques. « Qu’il s’agisse d’un logo, d’un message ou d’un produit, nous accompagnons les marques sur tous leurs supports et nous développons pour elles ce que nous appelons “des objets de beau sens”, expliquent Jean-Sébastien Blanc et Claire Renard.Ce n’est pas l’esthétique qui nous oriente : celle-ci découle plutôt de la démarche, du propos qui est, lui, le cœur de notre action. Nous sommes guidés par le patrimoine, les codes de la marque que nous accompagnons, et par sa logique. Ce positionnement, nous l’affirmons en signant nos créations. »
Faire qu’un projet soit plus qu’un simple support de communication est un pari que veut relever Label famille, qui fédère une dizaine de métiers et présente ses talents dans son ouvrage intitulé ‘New Gen.’ of Creators. « Nos projets se répartissent entre identité visuelle, vidéo manifeste, objets identitaires et expérience immersive, expliquent Camille Zonca et Cyril Quenet, les fondateurs. Jusqu’à une vingtaine de créateurs indépendants travaillent sur chaque projet. Nous disons d’ailleurs “œuvre”, car ce sont des artistes, parfois cotés, qui y participent. C’est un aspect valorisant pour nos clients qui investissent finalement dans un objet qui prendra de la valeur. Nous pensons que la création est le futur actif des entreprises. Pour les domaines viticoles Ott, par exemple, nous sommes partis d’une campagne publicitaire. Nous sommes allés plus loin que le brief en conceptualisant l’identité même de la marque. Nous avons alors poussé la démarche en leur proposant de multiples actions. Cela nous a menés à la création d’une tonnelle, traitée comme une installation artistique dans le domaine du Clos Mireille. C’est là tout l’intérêt et l’enjeu de notre travail : amener nos clients plus loin, les encourager à s’interroger sur leurs valeurs profondes. » Cette vision différente exprimée par Label famille à intervenir au-delà de la demande initiale est bel et bien représentative de cette nouvelle manière de promouvoir et d’apporter de la communication sur une marque en l’enrichissant, en en faisant une création vivante.