Tendance : la pause café, l’arme secrète des concept stores

Dans une époque saturée d'espaces standardisés, certaines boutiques redonnent du sens — et du goût — à l'expérience shopping. En mêlant artisanat, design et café de spécialité, ces lieux hybrides brouillent les lignes entre consommation, contemplation et connexion humaine. Décryptage d’un phénomène à la croisée du lifestyle, du storytelling et de la caféine.

Alors que les coffee shops aseptisés se multiplient dans les grandes villes de France, de plus en plus de commerces qui ne sont pas à l’origine destinés à la restauration proposent désormais des coins cafés. Dans ces lieux qui invitent à une autre forme de partage, il est possible de faire du shopping tout en prenant une pause pour siroter une boisson.


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Chez Paramaz, l’artisanat s’infuse dans un expresso design

En entrant dans chez Paramaz, le visiteur est immédiatement frappé par la beauté du lieu ultra léché, entre bar en bois massif, parquet à l’ancienne et élégants petits tabourets. On s’y délecte de cafés courts, longs, filtres et autres lattes, mais aussi de variétés de thés et de pâtisseries au zaatar, halva ou encore chocolat blanc.

Paramaz, à Paris, à la fois atelier, boutique et café.
Paramaz, à Paris, à la fois atelier, boutique et café. Jennifer Padjemi

Il pourrait s’agir de n’importe quel coffee shop s’il n’y avait pas en toile de fond le bruit des outils qui s’entrechoquent et dans l’air une bonne odeur de cuir. Nichée dans la rue Hérold, à Paris, dans le 1er arrondissement, l’adresse du maroquinier fait à la fois office d’atelier, de boutique et de café. Créé par le duo Hagop et Marianna, respectivement artisan du cuir et designer, directrice créative et responsable de la programmation, il rend hommage à leurs origines arméniennes et libanaises.

Dans cet atelier où l’on peut faire réparer, fabriquer des pièces sur mesure et acheter les collections permanentes, le café est considéré comme une tradition plutôt que comme une simple addition. « Dans nos deux familles, le café a joué un rôle central. C’est ainsi que l’on faisait la pause, que l’on parlait affaires, que l’on partageait des idées et que l’on construisait une communauté. C’est comme cela que les gens se connectaient : voisins, clients, artisans, amis », avance la co-gérante Marianna.

On se souvient de feu Colette et du concept store The Broken Arm, qui ont été parmi les premiers en France à mêler shopping au gustatif. Ou encore de Kitsuné qui a développé des lieux entièrement dédiés. Cependant, le coin café dans les boutiques d’aujourd’hui s’inscrit plutôt dans une démarche de renouveau de l’expérience client, comme on peut le constater dans l’offre des cafés-musées et librairies.

À Londres, dans la boutique de prêt-à-porter Koibird, on s’installe entre deux essayages sur les banquettes argentées en sirotant un latte couleur dragée. 
À Londres, dans la boutique de prêt-à-porter Koibird, on s’installe entre deux essayages sur les banquettes argentées en sirotant un latte couleur dragée.  Felix Dol Maillot

Du retail au rituel : quand le café devient expérience

Léa Riposa, experte et consultante en marketing, stratégie et communication, parle de « slow shopping », ou l’idée de pouvoir s’attarder sur des produits en vente, sans la pression d’acheter quoi que ce soit. « On vient parce que l’on sait que l’offre est attractive mais aussi tout simplement pour se restaurer. Pour la boutique, c’est un signe de générosité, une façon de créer du lien et d’améliorer l’expérience client, mais aussi de le fidéliser. C’est aussi une façon de casser la saisonnalité dans un magasin qui peut enregistrer une baisse d’activité pendant certaines périodes creuses. »

La marque suédoise Arket, du groupe H&M, a par exemple réussi le pari de devenir un lieu de vie à part entière en attirant une clientèle qui vient se restaurer, parfois sans rien acheter.

Difficile de définir Arket, qui vend dans ses boutiques vêtements, livres de cuisine et objets de décoration, le tout sans oublier le coin café. Ici, le kiosque de son magasin de Hangzhou, en Chine.
Difficile de définir Arket, qui vend dans ses boutiques vêtements, livres de cuisine et objets de décoration, le tout sans oublier le coin café. Ici, le kiosque de son magasin de Hangzhou, en Chine. DR

Et si, depuis que Prisunic a placardé son logo cible – dessiné par Jean-Pierre Bailly en 1965 – sur ses sacs de courses pour attirer l’œil des passants, cette pratique est devenue monnaie courante, quoi de mieux pour changer un peu qu’un gobelet griffé à emporter ? D’ailleurs, comme repéré pendant la dernière Design Week de Milan, les marques s’acoquinent de plus en plus avec des restaurants et autres commerces de bouche.

Marianna de Paramaz constate que le café a changé la façon dont les gens s’approprient l’espace. « Ils prennent leur temps, observent le travail, posent des questions et échangent avec nos artisans. Certains viennent pour le café et finissent par explorer notre boutique ou par nous demander de restaurer leur sac en cuir. D’autres s’inscrivent à un atelier de maroquinerie et reviennent ensuite pour prendre un baklava et un café ou encore une infusion arménienne. »

« Cela permet aussi un premier contact avec la marque », avance Léa Riposa, experte et consultante en marketing, stratégie et communication. Chez Paramaz, le café et l’atelier ne font plus qu’un. Pour Marianna, cela reflète la façon dont elle et son partenaire ont grandi : « L’hospitalité, l’artisanat et le développement d’une communauté se déroulent dans le même espace, et non dans des silos séparés. Cela nous permet de raconter notre histoire et de ne pas nous contenter de vendre un article en cuir. »


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