« Recevoir à la maison est à la fois un soulagement et une redécouverte : des pièces et des décors, de vos objets préférés, et surtout de vos propres goûts et idées », clamait Martha Stewart dans son livre Entertaining, publié pour la première fois en 1982. La reine des dîners à rallonges et des belles tablées, qui fait l’objet d’un documentaire actuellement diffusé sur Netflix, inspire une nouvelle génération d’entrepreneuses et de cheffes qui réinventent l’art de recevoir et multiplient les concepts. Mais peu importe les envies, le but est le même : organiser des dîners à l’esthétique léchée et sublimer le savoir inviter.
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Le beau pour encourager la créativité
La Table Verte voit officiellement le jour en février 2024, à l’initiative de Raïssa Tchoulague, directrice artistique, et de Sonia Ben Madhkour, créatrice de la marque Jibel. Pour ces deux associées, cette initiative, qui mélange création de caterings soignés, ouvertures de pop-ups ou encore organisations de dîners inspirés, vise à resserrer des liens, « qui peuvent se perdre. Nous voulions créer une communauté à qui nous pourrions offrir la joie de participer à des événements, mais aussi une vision de l’art de recevoir et de créer des concepts travaillés, toujours dans les détails ». Parmi ceux-là, on retient l’événement bien nommé « L’art de recevoir », défini comme « un art subtil de plusieurs talents et un savoir-vivre qui enchante le quotidien. »
Désormais accompagnées par d’autres collaborateurs, les fondatrices ont également reproduit une gelateria d’inspiration italienne installée dans le 20ᵉ arrondissement de Paris, où napperons brodés, argenterie ancienne et petites coupelles côtoyaient des meubles en bois chinés. Plus récemment, une « Petite Épicerie » a vu le jour, proposant à la vente des casse-croûtes et autres objets dénichés avec soin. À chaque fois, les curieux sont transportés dans des lieux où le cérémoniel est à son appogée.
Aujourd’hui, les belles tablées s’accompagnent d’expériences où sont nourris ventre comme esprit. Dans cette optique, Louisa Marteau Rehaz a lancé Mindset Studio, qui propose à des particuliers des masterclass pendant dîners ou déjeuners. Ici, l’esthétique n’est pas une fin en soi mais sert de levier afin de permettre une expérience intimiste plus privilégiée. « Le visuel est important pour cela. Les participants se sentent valorisés et cela leur donne envie d’aller plus loin dans l’expérience. Et puisque j’ai envie, avec Mindset Studio, d’enrichir l’expérience de l’apprentissage, l’attention portée aux détails est cohérente. Les participants prennent beaucoup de plaisir à apprendre et à faire des rencontres lorsqu’ils se retrouvent autour d’une table joliment dressée belle et d’un repas divin. »
Ce concept ajoute une valeur à la dimension d’apprentissage : « Quand je repense à mes cours à la fac ou aux nombreuses tables rondes auxquelles j’ai pu participer, c’était toujours dans des lieux simples, neutres et parfois même froids. L’esthétique stimule et facilite l’engagement, parce qu’on associe finalement la réflexion à un moment de plaisir, durant lequel on se sent bien. Avec Mindset Studio, je tente de casser l’image de la réflexion sérieuse en montrant qu’on peut avoir des discussions profondes et constructives dans un cadre sophistiqué et accueillant. Pour moi, l’esthétique devient donc un levier qui enrichit l’expérience sensorielle et rend les échanges mémorables. »
Se réapproprier les codes de l’art de recevoir
Parler d’art de la table s’associe parfois dans les esprits à un savoir recevoir régi par des codes strictes, guindés voire dépassés. Souvenez-vous, dans la série The Gilded Age (HBO, 2022), qui se déroule à la fin du XIXe siècle, à New York, la guerre entre nouveaux riches et « old money » prend vie autour de la manière de dresser la table, de la vaisselle à privilégier, du choix de la verrerie approprié, de l’ordre des plats à respecter… Aujourd’hui, on imagine des banquets officiels et des restaurants étoilés, qui s’avèrent pour certains aussi déconnectés de la réalité.
Des initiatives comme La Table Verte s’inscrivent plutôt dans un hommage que dans une rupture : « Nous réinventons les codes en ajoutant notre touche personnelle, en jouant avec les matériaux, les textures et les couleurs, mais aussi grâce à nos influences culturelles. C’est revisiter la symbolique : privilégier des tables qui racontent une histoire ou qui reflètent les valeurs actuelles, comme la durabilité et l’authenticité. »
Des entreprises comme Vaisselle Vintage se font le relais de ces événements modernes qui puisent au passé un goût pour l’élégance, retranscrit grâce à de la vaisselle ancienne et une atmosphère vintage. De l’autre côté de l’Atlantique, loin des réceptions du Gilded Age, des créatrices souhaitent rendre ces dîners plus spontanés, à l’aide de recettes faciles à réaliser avec des ingrédients à portée de main. C’est le cas d’Alison Roman, dont le livre phare Petits dîners sans prétention a été traduit aux éditions Hachette Pratique.
On peut également citer Katherine Lewin, la fondatrice du concept-store Big Night (qui est aussi un livre), qui possède deux boutiques à New York et propose tout le nécessaire pour bien recevoir, de la vaisselle ludique aux condiments colorés. Si Louisa Rehaz aime les jolies tables, elle préfère « le bazar à la fin du repas: le signe d’une excellente masterclass ! ». Comme le suggère ce tableau Pinterest baptisé « Martha Stewart Would Be Proud », la papesse américaine serait probablement fière de tous ces projets.
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