Le modernisme européen à l’oeuvre
Même si Tel-Aviv est souvent désignée comme « la première ville Bauhaus du monde », l’architecte Nitza Metzger- Szmuk, qui a créé et dirigé le département de conservation de la municipalité, mais aussi écrit et présenté le dossier de demande de classement à l’Unesco, tient à la vérité historique : « Tel-Aviv a été influencée par le modernisme européen et pas seulement par l’école du Bauhaus. Elle doit son caractère unique au fait qu’elle représente toutes les tendances architecturales européennes de l’époque. » Son successeur, Jeremie Hoffmann, est plus pragmatique : « On ne peut pas trouver deux bâtiments qui se ressemblent, c’est vrai, mais le terme Bauhaus est devenu si populaire qu’il est resté. »
À Tel-Aviv, la « machine à habiter » chère à Le Corbusier reprend à son compte les principes majeurs du mouvement moderne, mais en favorisant la végétation dense et la circulation de l’air tout en protégeant ses habitants de la forte luminosité. De fait, le style international est très marqué par son influence. « Au moment où Geddes a conçu son plan pour Tel-Aviv, en 1925-1927, c’était le début du béton armé en France, rappelle Jeremie Hoffmann. Cette technologie révolutionnaire permettait tout à coup d’imaginer de nouvelles formes. »
Bien que protégé depuis 2003, ce bâti presque centenaire s’est beaucoup dégradé. À défaut de subventions de l’État ou de l’Unesco, une solution originale a été trouvée : les promoteurs immobiliers créent un ou deux étages supplémentaires sur le toit et, en échange, ils doivent financer la rénovation de tout l’immeuble, sans le dénaturer. Depuis l’adoption par la ville d’un plan de conservation, en 2008, 400 extensions de ce type ont déjà été réalisées et une centaine sont en cours. Mais cela ne suffira pas à préserver la Ville blanche. On estime à 10 % seulement le nombre de ses bâtiments Bauhaus restaurés. Bien que toujours dotée d’un fort potentiel de séduction dans l’imaginaire collectif, Tel-Aviv est bel et bien confrontée à une dégradation manifeste.