Quand la mystère plane, une légende naît. Ahmed Tazi, mendoub (conseiller) du sultan du Maroc en zone internationale de Tanger dans les années 1920 entreprend la construction d’un palais sur les hauteurs de la ville blanche. Il n’y passera jamais une nuit. Un siècle plus tard, sur le parvis de ce qui est devenu l’hôtel Fairmont Tazi Palace, à Tanger, on croise pourtant Mendoub. Le précédent propriétaire se serait réincarné en un beau matou…
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Tanger a le vent en poupe. Naguère repère d’une génération d’artistes underground qui venaient y chercher mille et une sources d’inspiration, la ville s’est depuis assagie. Ayant profité d’une candidature à l’Exposition Internationale de 2012 et d’une pause forcée lors de la pandémie pour opérer rénovation et embellissement de son centre-ville et ses routes, la cité endosse désormais la responsabilité d’un nouveau tourisme au Maroc.
Son passé teinté par la colonisation portugaise puis le protectorat espagnol lui confère une double nationalité arabo-européenne. On n’y parle d’ailleurs pas autant le français qu’ailleurs au Maroc puisque l’espagnol fait office de seconde langue. L’anglais s’y développe également à vitesse grand V, tourisme oblige.
Les hôtels de luxe suivent le mouvement. Si quelques établissements proposent des options confortables mais peu séduisantes en centre-ville ou en proche périphérie, plutôt destinée aux affaires, le groupe Accor, sous l’égide de sa marque Fairmont, a, quant lui, jeté son dévolu sur cette superbe bâtisse qui un jour appartenu au mendoub Ahmed Tazi. Une très bonne idée.
D’un palais… à un palace
Sur les hauteurs du quartier le plus cossu de la ville, Jebel Kebir (« la grande montagne »), le nouveau Fairmont Tazi Palace jouit non seulement d’une tranquillité remarquable mais aussi d’une vue imprenable sur la silhouette blanche de la medina, à l’exact emplacement du coucher de soleil. Magique !
Du mendoub, on retiendra le nom, que met d’ailleurs en avant l’intitulé de ce nouvel hôtel Fairmont. Son ambition aussi, démontrée dans l’impressionnant foyer dans lequel se tient désormais le lobby, haut d’une dizaine de mètres. Une seule aile du palais avait été construite sous son ère, avant l’arrêt des travaux qu’à ce jour personne n’explique encore. Ceux entrepris par Accor, en revanche, lui ont rendu ses lettres de noblesse, l’étendant à une structure en U.
Cette extension a été conduite par le cabinet madrilène OBMI & CCCRA Architects. Un choix comme un clin d’œil au passé de la ville ? Les Espagnols ont néanmoins su restaurer et étendre l’existant en veillant à respecter les détails de l’architecture hispano-mauresque originelle.
Ainsi, l’hôtel se coiffe d’une tuile verte largement répandue dans la région. Les fenêtres, plafonds et circulations reprennent les formes ciselées qui rappellent celles du palais de l’Alhambra. Sans entrer dans un maximalisme qui reprendrait trait pour trait le style architectural que l’on connait au Maroc, le Fairmont Tazi Palace est une évocation de son passé qu’il confronte à son époque moderne.
Le théâtre d’un Maroc moderne
Il s’étend sur 3,6 hectares et propose pas moins de 133 chambres et suites (dont deux penthouses et deux suites signatures, l’une grande de 330 mètres carrés). Le parti-pris d’Accor a pourtant été de traiter le Fairmont Tazi Palace comme un hôtel intimiste. A chaque lieu correspond son charme et son ambiance.
Les chambres ont été dessinées dans le respect d’un style arabo-andalou évident. Les bois, zelliges et autres cuivres qui ont servi à façonner les décors viennent pour la plupart du pays. Une partie des marbres est elle aussi originaire du Pays du Couchant — le reste a été importé d’Italie. Les chambres et suites se parent d’un colorama tourné vers le bleu ; les suites exceptionnelles et les penthouses vers des tons oncres plus royaux, ou même des teintes or.
Ce nouvel hôtel à Tanger affiche donc son héritage dans ses lieux de vie avec toujours beaucoup de modernité. Moucharabiehs, tadelakt ou encore zelliges, parmi les savoir-faire les plus reconnus de l’artisanat marocain, cadencent la décoration du Tazi Palace. De par le traitement qui leur a été réservé, ils font entrer la tradition dans le deuxième millénaire.
Ainsi, le moucharabieh, usité traditionnellement comme ventilation naturelle, rythme les couloirs de l’hôtel, revisité dans un bois clair et non verni. Les zelliges, quant à eux, dessinent des motifs dans le marbre disposé au sol des salles de bains, un matériau d’ailleurs largement utilisé dans les pièces d’eau de l’hôtel, dans une variété veinée.
Le précieux est d’ailleurs largement au rendez-vous de cette partition éclectique, développée par le cabinet américain The Gettys Group. Robinetterie en cuivre, luminaire en bronze dentelé, têtes de lit brodées… Les artisanats tangérois ont largement été mis à contribution pour porter le projet aux nues du raffinement.
Fairmont Tazi Palace : all-inclusive charmant
Si l’idée n’est pas de rester enfermé dans ce sublime hôtel lors de son séjour à Tanger — bien que… —, force est de constater que tout a été imaginé sur place afin de placer à le moindre désir à portée de main. Trois restaurants, un bar-lounge, un salon de thé, un spa XXL, deux piscines, une salle de sport, une autre de yoga, un salon de coiffure, bientôt un pool-bar dansant (Siddharta Lounge by Buddha-Bar) et même un atelier de poterie font du Fairmont Tazi Palace un resort total.
De la piscine, on observe la silhouette de Tanger qui se détache par-delà la forêt d’eucalyptus qui borde l’hôtel. A la nuit tombée, il faudra traverser le jardin d’aromates pour rejoindre Origin, le bar à cocktails. Dans ce un lieu feutré meublé de canapés Chesterfield, un mixologue (trois fois lauréat du concours du prix du meilleur mixologue du Maroc) crée sur mesure chaque mélange qu’il agrémente notamment d’herbes qui poussent à l’extérieur.
La porte à côté, celle du restaurant Crudo, propose des spécialités de la Méditerranée dans un cadre qui oublie l’apanage marocain. On s’y délecte d’une carte franchement pointue et — logiquement — composée de mets de poissons crus, imaginée par le chef australien Chris Blake, qui officiait précédemment à la Mamounia de Marrakech. Un étage plus haut, il faudra passer la lourde porte effet tambour pour découvrir le speakeasy Innocents avant de s’attabler à Parisa, une table de spécialités… perses ! En effet, Katara Hospitaly, propriétaire de l’hôtel (mais aussi du Royal Monceau et du Peninsula à Paris), développe ce concept depuis quelques années au Qatar, où Chris Blake a d’ailleurs suivi une formation.
Enfin, pour prolonger l’effet d’un moment de relaxation au spa (massage, bains à remous, sauna, véritable hammam à la marocaine…), une cantine aux couleurs acidulées offre des mets légers (mais savoureux !) qui braquent les projecteurs saveurs locales : une burrata de Tanger, par exemple, mais aussi des oranges et clémentines, de la truite de l’Atlas…
> Hôtel Fairmont Tazi Palace. Jamaa Mokrae, quartier Boubana, Tanger, Maroc. Tél. : +05 39 37 89 89. Réservations.