Né à Malte, Gordon Guillaumier a étudié en Angleterre, en Suisse et en Italie : à l’instar de PearsonLloyd, il fait partie de ces designers qui planchent sur les évolutions de notre société, comme en témoigne son nouveau canapé Face to Face, belle réinterprétation d’un meuble du XIXe : le confident. « Cette fois, c’est moi qui ai proposé à Maurizio Tacchini l’idée d’un canapé qui permet de s’asseoir l’un en face de l’autre et non côte à côte, comme si on s’apprêtait à regarder la télévision. Je savais que Giusi et lui aiment revisiter les classiques, les rafraîchir », explique le designer.
Nouvelle coqueluche du design scandinave, le Suédois Jonas Wagell a lui aussi parié sur le rétro. À travers son canapé et son fauteuil Roma, selon lui, ce sont « les lignes du design italien des années 50 » qui s’expriment. Ces deux assises de tailles différentes, modernes et confortables, ont aussi pour avantage de mettre en valeur les compétences techniques de Tacchini : « Quand j’ai découvert l’usine, j’ai été épaté par son architecture moderne et par le savoir-faire des ouvriers, leur souci du détail… Ce sont de grands spécialistes du mobilier rembourré », confie celui qui a gardé certains réflexes typiquement nordiques tels que la simplicité des formes.
Une « ligne » pas tout à fait étrangère à l’ADN de la firme italienne, comme le souligne Gordon Guillaumier: « Tacchini mélange ce type d’inspiration avec son identité latine. Sa direction artistique est sentimentale. Elle aime faire appel aux designers avec lesquels elle s’entend bien », analyse-t-il. Et si elle leur laisse, aux dires de certains, « une grande liberté », ce qui lui permet de miser ainsi sur une gamme de mobilier en perpétuelle évolution, Tacchini n’oublie pas de se revendiquer du design italien du XXe siècle et des maestri qui en sont aujourd’hui les étendards.
Achille Castiglioni ou Franco Albini ne sont pas que des références citées à l’intérieur des briefs donnés aux designers, car depuis quelques années, certaines pièces de la période sont rééditées. « Ne pas confondre le style et la mode, le design et la simple production en série » : c’est le propos de cette gamme un peu à part dans l’univers de la marque, qui lui permet d’offrir une deuxième vie à des pièces appartenant au patrimoine italien. Les chaises Babela, par exemple, sorties pour la première fois en 1958 et dessinées pour être facilement empilées pour former une tour, sont d’Achille et Pier Giacomo Castiglioni, tout comme le fauteuil San Carlo, avec ses cylindres en guise de dossier. La lampe articulée en métal E63 (1963) est quant à elle signée Umberto Riva.
De Franco Albini, le célèbre architecte de l’immeuble rationaliste milanais La Rinascente, la firme a choisi de rééditer le fauteuil aux pieds croisés Bianca, datant de 1939, dans la lignée du cultissime Barcelona (1929, Knoll) de Mies van der Rohe. Sans compter le mobilier contemporain de Gianfranco Frattini, disciple de Gio Ponti, qui s’inspire de l’esprit du maître pour donner naissance à des tables aux couleurs lumineuses, des fauteuils bergère et des canapés capitonnés.
Ces créations ont pour point commun de porter en elles la culture italienne qui vise, depuis la première moitié du XXe siècle, entre autres, à donner un supplément d’âme aux objets fabriqués en usine. Côté matériaux, c’est la même volonté de proposer des pièces qui se marient facilement les unes avec les autres, grâce à des tonalités harmonieuses et des finitions qui vont bien ensemble. Une vraie « collection » destinée aux amoureux du design, pour reprendre le terme de Gordon Guillaumier.