Huit cabanes d’architectes
En 2014, Vera Michalski, fondatrice des lieux en mémoire de son époux, Jan, et propriétaire du groupe d’édition Libella, peut enfin ajouter des résidences artistiques. Elle les souhaite suspendues comme des cabanes dans les arbres, un vœu réalisé en 2017. À tout seigneur tout honneur, le duo Mangeat-Wahlen en dessine une mais invite d’autres architectes à concevoir les sept suivantes. En tout vont donc naître huit modules d’habitation, avec des esthétiques certes différentes mais harmonisées par une charte de matériaux communs : béton, acier galvanisé blanc ou brut, chêne ou bois de mélèze blanchi… En plus d’un espace de vie, tous comprennent également un bureau dévolu à l’écriture ainsi que des baies vitrées laissant passer cette lumière suisse somptueusement argentée.
Une fois fabriquées, les cabanes ont été acheminées en pièces détachées par convoi exceptionnel depuis la Suisse mais aussi le Chili, le Japon ou le Brésil, jusqu’à Montricher, puis montées sur place. La fondation propose d’ailleurs un parcours architectural permettant de découvrir ces habitations qui portent le nom de leur architecte ou de leur agence. C’est ainsi que quiconque visite le site tombe inévitablement sur une première structure sombre, en verre sur dalle de béton, comme suspendue à quelques mètres du sol, arrimée à la canopée par un système de tirants d’acier, car le vent souffle fort dans le canton de Vaud !
Elle est baptisée « Elemental », du nom de l’agence chilienne dirigée par son architecte, Alejandro Aravena (l’année de la livraison, en 2016, il a reçu le Pritzker Prize…). Cette beauté fait office de salle commune pour les résidents et le personnel, avec une cuisine-salle à manger et un salon ainsi que des étagères où chacun peut laisser qui des gobelets, qui du bois ramassé en forêt, des crayons ou des mots doux. À ses côtés s’étirent les beaux modules-bureaux de la fondation, cerclés d’acier et entièrement vitrés, signés Mangeat-Walhen également.
Puis, joue contre joue, trône la première des cabanes habitées. Avec sa façade à pans coupés recouverte de tavillons (bardeaux de bois), la maisonnette de 113 m2 ressemble ainsi à un charmant hérisson. Dotée du nécessaire comme du superflu (notamment de mobilier scandinave), tapissée de bois clair, ornée d’une terrasse, elle est signée Kengo Kuma. Cet abri confortable est réservé au couple chargé d’accueillir les écrivains en résidence et ne se visite pas – à notre grand désespoir, comme à celui du célèbre architecte Mario Botta, venu pourtant, lui aussi, scruter cet ensemble exceptionnel.