La crise sanitaire avait eu raison de la 17e Biennale d’architecture de Venise en 2020… mais elle a finalement ouvert ses portes au public le 22 mai dernier. Son commissaire, l’architecte libanais Hashim Sarkis, avait choisi un thème sous forme d’interrogation prémonitoire : « How Will We Live Together ? » (« Comment vivrons-nous ensemble ? »)
Pour cette édition, 112 participants venus de 46 pays ont tenté de répondre à la question. Face à cette situation inédite, Roberto Cicutto, président de la Biennale d’architecture de Venise, résume : « Nous n’avons jamais eu un tel besoin d’architecture. » L’exposition principale s’articule autour de cinq approches, trois à l’Arsenal et deux dans le pavillon central : « Among Diverse Beings » (« Au sein de la diversité des êtres »), « As New Households » (« En tant que nouveaux foyers »), « As Emerging Communities » (« En tant que communautés émergentes »), « Across Borders » (« Par-delà les frontières »), « As One Planet » (« Comme une seule planète »).
La Terre est la mise en forme du monde
Parmi les architectes français invités à exposer, l’agence TVK (Pierre Alain Trévelo et Antoine Viger-Kohler) présente La Terre est une architecture, une maquette monumentale haute en couleur qui cueille les visiteurs à l’entrée du pavillon central des Giardini. « Le titre La Terre est une architecture, volontairement ambigu, rapproche deux termes a priori contradictoires pour essayer de les penser ensemble et prendre ainsi acte d’un nouvel état du monde », explique l’équipe de TVK.
« La Terre n’est plus le décor fixe et naturel de l’architecture humaine, mais un corps continuellement formé et transformé par les actions et réactions de tous ceux qui l’animent. Les humains sont l’une des puissances majeures qui participent au vaste chantier commun des matières et des vivants. L’architecture doit être pensée à partir de cette interdépendance : elle n’est plus simplement posée sur la Terre, elle est la mise en forme permanente du monde. »
Le vivre ensemble à la Biennale d’architecture de Venise
À l’Arsenal, l’architecte Nicolas Laisné expose le projet One Open Tower. Cette architecture-sculpture de tubes soudés et de plateaux en bois, haute de 5 mètres, synthétise les préoccupations de l’agence, qui explore de nouvelles façons de vivre ensemble selon le concept de « proximité choisie ».
Valentine Guichardaz-Versini, fondatrice de l’Atelier Rita, est également à l’honneur à l’Arsenal où elle dévoile une installation composée de tissus légers, donnant la parole aux résidents du centre d’hébergement d’urgence d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), qu’elle a réalisé en 2017. Elle leur a posé la question d’Hashim Sarkis : « Comment vivrons-nous ensemble ? »
« Il faut avant tout savoir écouter l’autre »
« Nous avons entamé avec eux des échanges autour du thème de la biennale et ils nous ont raconté leurs histoires, partageant leurs souvenirs, leurs espoirs, leur vision du vivre ensemble… Ces témoignages de personnes d’âges, de cultures et de parcours différents avancent tous l’idée que pour vivre ensemble, il faut avant tout être prêt à écouter l’autre, explique l’architecte. L’installation présentée à l’Arsenal ne détaille pas l’architecture du centre d’hébergement, mais cherche à retranscrire ce que l’on y ressent. Cela me semblait plus intéressant. »
L’architecte franco-libanaise Lina Ghotmeh expose, quant à elle, Resilient Living – Une archéologie du futur sous la forme d’une maquette de Stone Garden, le projet qu’elle a réalisé à Beyrouth. Enfin, Patrick Berger a investi les Giardini avec la maquette d’Un monde à la lisière / Le Pavillon des oiseaux, préfiguration du site architectural éthologique de Grancey-le-Château-Neuvelle (Côte-d’Or).
Des pavillons virtuels
Du côté des pavillons nationaux, 63 pays sont représentés, dont quatre pour la première fois : Grenade, l’Irak, l’Ouzbékistan et l’Azerbaïdjan. Certains n’ont pas fait le voyage, annulant leur participation ou offrant aux visiteurs de simples QR Codes, comme l’Allemagne, pour découvrir une exposition virtuelle.
Emmené par Christophe Hutin, le Pavillon français présente Les Communautés à l’œuvre, illustrant le pouvoir des habitants lorsqu’il s’agit de transformer leur environnement quotidien. Le Lion d’or de cette 17e édition a été attribué à Rafael Moneo pour l’ensemble de sa carrière, tandis qu’un Lion d’or spécial à la mémoire de Lina Bo Bardi (1914-1992) a été décerné. La biennale fermera ses portes le 21 novembre prochain.