La valeur montante de la planète fashion, c’est Yang Li. À 34 ans, il devient le créateur attitré des collections de mode Shang Xia, l’une des premières maisons de luxe de Chine, dont le nom signifie littéralement « dessus dessous », traduit sa fondatrice, Jiang Qiong Er. Pour qui lit entre les lignes, entendre « beauté des contrastes », « passé et avenir », « tradition et modernité ».
Un savoir-faire expert
Par sa vision contemporaine du design, mixée avec l’héritage artisanal millénaire chinois, Shang Xia pose aussi des jalons d’est en ouest. L’art du feutre, du cachemire, des porcelaines fines et celui du tissage du bambou habillent mobilier, objets, accessoires et sacs. Si Hermès est actionnaire de l’enseigne, Exor (holding de la famille Agnelli) est entrée en 2020 au capital comme actionnaire majoritaire. Serait-ce là le secret du caractère plus corsé de la belle Chinoise, encore trop méconnue en France ?
Quoi qu’il en soit, Yang Li est visiblement présent pour sortir la griffe de sa zone de confort. Certes, il a adapté son style en douceur, mais il impose sa dynamique et une énergie impériale. Pékinois élevé en Australie, il a étudié à Londres, au prestigieux Central Saint Martins College of Art and Design puis, à 24 ans seulement, a fondé son label minimaliste et punk. « Yang Li a une grande capacité à capter la Chine d’aujourd’hui et à la traduire dans un langage international luxueux. Il peut inventer un univers. Très peu de jeunes créateurs chinois, même talentueux, comprennent à la fois le monde du luxe et celui de la mode », argumente ainsi Jiang Qiong Er, la designer, directrice générale et artistique de Shang Xia.
Ce nouveau chapitre s’est donc ouvert en fanfare durant la Fashion Week parisienne printemps-été 2022, laquelle, conquise par les silhouettes architecturées, a élu son défilé comme l’un des plus beaux de la saison ! De fait, les modèles font sensation avec leurs volumes enveloppants et fluides, noyés de couleurs saturées tels ces cobalts typiques de la maison, ces jaune fluo et rose néon. Décuplant les proportions, le jeune créateur démontre sa virtuosité dans les jeux d’échelle et les superpositions, la dualité et les contrastes (sa marque de fabrique), employant à foison mailles gonflées ou quasi liquides, satins épais et soies exceptionnelles. Certaines, laquées, réfléchissent la lumière comme si elles ruisselaient d’eau. Quant au porté, il est à la fois asiatique et occidental, avant tout très luxueux.
Nouvelles connexions mode vs déco
« Nous voulions proposer une œuvre libre et osée en accord avec l’âme de Shang Xia. Nous sommes encore dans une phase expérimentale, entre notre studio de design à Paris, concentré sur les accessoires, et celui de Shanghai, axé sur les artisanats locaux », précise Jiang. Car travailler de concert entre deux continents réclame un peu d’organisation. C’est donc autour d’un comité créatif hebdomadaire qu’ont lieu les échanges, dans un dialogue constant pour ne rien perdre du fil solide tissé depuis onze ans. À Paris, une bibliothèque de porcelaines, laques et livres sur la Chine a même été montée pour inspirer les collaborateurs.
Le but étant que le coup de crayon de Yang Li se mêle étroitement au design de la marque. De nouvelles connexions assez avant-gardistes sont ainsi enclenchées. « Nous retravaillons, par exemple, nos chaises Ming. On conserve leur allure minimaliste, mais on emploie des fibres de carbone ultralégères et robustes, en jouant sur des couleurs beaucoup plus appuyées », révèle la responsable.
Autre création, une série de vases contemporains, aux lignes pures et aux teintes vives – le plus petit est un réceptacle à encens. « Comme Yang Li dans sa collection, nous travaillons le rond (le ciel), le carré (la terre) et le triangle (l’équilibre) et avons donc lancé un sac triangulaire. Toutefois, nous voulons éviter de forcer le rythme par respect pour l’environnement et pour installer durablement nos plus belles pièces », souligne Jian Qiong Er.
En ce sens, Shang Xia a inauguré une collaboration exclusive avec le MAD lors du Nouvel An chinois 2022, confiant à l’école Camondo la réalisation de ses vitrines avec des produits de la griffe. Elle prévoit aussi l’ouverture de nouvelles adresses : à Shenzhen en juillet, Hainan et Taïwan, qui s’ajouteront aux 15 existantes. Sans oublier une présence renforcée sur Internet et dans le futur monde du métavers.
