Qu’apporte le design à celui qui le pratique ?
Sebastian Bergne : Une façon de penser qui peut s’appliquer à beaucoup de choses. Une façon de résoudre des problèmes sans perdre de vue la créativité. C’est un exercice mental assez profitable, qui n’est pas le lot de toute les professions.
Quel était votre objectif en créant le Creative Skills Network ?
L’idée est née pendant le premier confinement. J’ai commencé à chercher un moyen de partager mon expérience. J’en ai parlé à des amis et il n’existait aucun tutoriel ou site où bénéficier du savoir d’un mentor. Alors que beaucoup de gens font actuellement un pas de côté dans leur carrière en évoluant vers d’autres domaines. J’ai décidé de créer cette plateforme en priorité pour la jeune génération et tous ceux qui cherchent à acquérir ce type de savoir. Et pour ceux de ma génération, c’est un moyen de communiquer ce qu’ils savent contre rémunération. Nous avons commencé avec un groupe de personnes venues d’horizons différents. Trois des professionnels de la plateforme sont basés en France. Des jeunes gens, des personnes établies, des connus et des moins connus, tous issus de pays différents… Cela a un côté site de rencontres (Rires).
Redonner de la valeur à la création
Cette activité de conseil payante souligne aussi la valeur de ce savoir…
Il est normal que cette aide soit rémunérée car ses bénéfices sont tangibles. Un designer connu a souhaité donner de son temps gratuitement pour rendre à la communauté du design ce qu’il estimait devoir lui rendre. Mais d’autres personnes vont aussi gagner leur vie de cette façon et on ne saurait relativiser la valeur de ce qu’ils font. Cela nous met en face de notre conception de la valeur de la création. Le site doit s’auto-financer, pas faire des bénéfices monstrueux. Il s‘agit avant tout de se rencontrer et d’échanger.
Comment ce projet a-t-il été reçu ?
Depuis septembre, nous avons eu de très bon retours. Des personnes m’ont même contacté pour participer au site, mais il est important qu’on maintienne une certaine qualité et qu’il n’y ait pas de concurrence entre intervenants. Le plus difficile est de se faire connaître de la jeune génération, ce que nous faisons à travers les réseaux sociaux.
Sebastian Bergne : « J’ai moins à prouver »
Dans quel état d’esprit vivez-vous votre troisième décennie en tant que designer ?
Cela dépend du moment auquel vous me posez la question ! (Rires) Parfois, mon état d’esprit est au beau fixe. Je suis assez installé pour ne pas me soucier de trouver à tout prix de nouvelles sources de revenus. Si un jour, je n’ai rien de spécifique à faire, je peux inventer un nouveau projet. Mais cela reste un travail difficile, qui demande beaucoup de motivation et dans lequel vous n’avez parfois à vous en prendre qu’à vous-même si les choses tournent mal. C’est peut-être la raison pour laquelle je diversifie mes activités, entre le design, la scénographie et l’enseignement. Aujourd’hui, je suis peut-être un peu plus conscient de ce que je suis capable de faire. J’ai moins à prouver. D’où la possibilité de prendre des projets moins commerciaux, parce que je le veux et le peux. Je n’ai plus peur de prendre des risques. En même temps, je dois gagner de l’argent. Ma génération est amenée à entrer en compétition avec les plus jeunes, cela fait partie du jeu, même si j’ai parfois l’impression d’être légèrement oublié. Les éditeurs fonctionnent différemment. Ils éditeurs prennent moins de risque. Habituellement, je ne m’auto-promeus pas alors que les plus jeunes sont rompus à cet exercice. Il faut dire qu’ils doivent se battre.