Ce littoral méditerranéen s’étirant sur une trentaine de kilomètres jusqu’à la frontière espagnole est émaillée de petites stations balnéaires. De la plus emblématique, Collioure, jusqu’à la plus mystérieuse, Cerbère, toutes sont reliées par une route départementale sillonnant un décor majestueux, entre mer et montagne. Un décor idyllique qui a de quoi motiver un road trip dans les Pyrénées-Orientales.
Étape 1 : Collioure
Quiconque s’aventure le long de la D914 doit avoir le cœur bien accroché. À cause des virages serrés. Mais aussi parce que la beauté du paysage est à couper le souffle. D’un côté, il y a la naissance des Pyrénées, terrassées par des pieds de vigne. De l’autre, l’azur de la Méditerranée lèche le rivage rocheux.
Il faut imaginer le tout projeté sous une lumière couleur miel qui efface les ombres. Cette route panoramique, qui file jusqu’à la frontière espagnole, serpente le long de stations balnéaires, plus ou moins connues, qui méritent toutes le détour.
Collioure est le kilomètre zéro de ce road trip. En période de pic estival, des milliers de touristes se pressent dans les ruelles. Le jour de ma venue, c’est pourtant le désert. Le miracle du printemps : plus tout à fait hors saison, mais pas encore la folie des grandes vacances.
« Le château Royal s’offre à vous ! », nous accueille Patrick, le gardien du site le plus emblématique de la cité. « Il faudrait plutôt parler de forteresse », reprend le guide, pendant que l’on traverse cette bâtisse dont les fondations remontent à l’ère romaine.
Toutes les pièces sont vides. Patrick meuble la visite par son goût des histoires. Les Rois de Majorque avaient pour habitude d’y faire halte. Le royaume d’Aragon a ensuite posé bagages, avant de fuir avec l’arrivée des Français, qui le convertirent en propriété militaire sous l’égide de Vauban. L’architecte déplace alors le cœur du village, des remparts jusqu’au bord de la mer, et procure ainsi à Collioure cet air de carte postale perpétuelle.
Depuis l’une des coursives, on admire le clocher de Notre Dame des Anges, ce dôme typique qui trône à l’entrée du port. Plusieurs rangées d’échafaudages l’encerclent, pour encore quelques mois, le temps d’achever sa restauration. Patrick le pointe du doigt et proclame, non sans un certain sens de l’emphase : « Il y a un tableau de Collioure dans n’importe quelle galerie du monde ».
Matisse et Derain ont impulsé ici le mouvement fauviste. Foujita, Dufy et bien d’autres suivront, hypnotisés par cette lumière si spéciale. Le musée d’art moderne, niché dans une ancienne villa bourgeoise, dévoile cet héritage.
Une autre partie de la collection s’apprécie en permanence dans un autre genre d’institution : Les Templiers. Les murs de cette brasserie sont tapissés de peintures. Dans le temps, les artistes sans le sou déposaient un tableau en échange du gîte et du couvert.
Une photo du patron historique, René Pous, aux côtés de Picasso, trône derrière la caisse. L’affaire a vient d’être reprise par Antoine et Guilhem, deux vingtenaires, de retour après leurs études. « On veut que ce lieu conserve le même esprit familial », glisse Antoine, avant d’envoyer des espressos à la table d’en face.
Le soir venu, le plus joli coucher de soleil s’observe depuis « les faubourgs », le nom des quartiers plus en hauteur. En contrebas de la départementale, on dîne à La Mama face aux derniers rayons qui se reflètent sur les façades colorées du port.
Le chef mixe ses origines italiennes à une touche catalane. Les assiettes sont généreuses. La décoration reste minimaliste : matériaux brut et lignes épurées. Le restaurant, comme l’hôtel attenant des Roches brunes, a récemment été repensé par le cabinet d’architecture Anégil. Dans les chambres, des balcons sont érigés à flanc de rochers. Le bruit de la mer qui s’y cogne joue les berceuses dès que la baie vitrée est ouverte.
Étape 2 : Banyuls
Le reste de la Côte Vermeille se découvre par cette route émaillée de criques. Notre road trip dans les Pyrénées Orientales continue direction Banyuls, qui est aussi le nom de ce vin doux naturel revenant au goût du jour après plusieurs décennies de désuétude. La Cave de l’Étoile, la plus ancienne de la commune, organise des dégustations.
Autre option : Les 9 caves. Neuf vignerons indépendants adeptes de vins natures y produisent leurs cuvées, que l’on peut déboucher sur place. Natasja et Jon Paul y officient sous une halle à l’esprit guinguette. Ce couple de Neerlandais est arrivé à Banyuls à l’occasion d’un voyage de noces, en 2018.
Apprenant qu’un bistrot cherchait repreneur, les jeunes mariés vendent tout aux Pays-Bas, pour s’installer sur la Côte Vermeille, et proposer une cuisine de tapas bio, donnant la part belle aux légumes de petits producteurs.
Dans ce sillage, une scène culinaire a émergé. À quelques pas, la boulangerie Paille i verde vend un pain aux semences paysannes et au levain naturel. En face, quatre amies ont repris La Casa Dina, le plus vieil hôtel de la ville.
Au rez-de-chaussée, dans un espace à l’esprit de cantine chic – fleurs séchées sur les tables et carreaux de ciment d’époque au sol – on sert tous les midis une formule unique, faite-maison. « On a toutes voyagé dans le monde, travaillé comme saisonnières, avant de choisir de revenir dans notre ville natale », résume Pauline, l’une des associées.
À l’étage, les chambres sont probablement l’alternative la plus économique de Banyuls. Dans une variante luxe, il y a l’hôtel des Elmes, établissement familial érigé dans les années 60 face à la baie du même nom.
Étape 3 : Cerbère
Sur la départementale, la route se fait plus nerveuse, dans un entremêlement de lacets longeant la Réserve marine naturelle. Cet espace protégé qui s’étire sur 650 hectares de mer a été fondé en 1974 et fédère depuis des générations de plongeurs. Le conservatoire a créé un sentier sous-marin pour tout nageur muni d’un masque et d’un tuba, à partir de la plage de Peyrefite. Sur le sable, l’enseigne du restaurant annonce la couleur : Le bout du monde.
La frontière n’est plus qu’à quelques minutes et tout se ralentit. La vitesse. À cause de la chaussée rétrécie. Mais aussi le passage du temps. Le dernier village s’appelle Cerbère, un nom mythologique qui désigne plutôt ici la porte d’un petit paradis. C’est un coup de cœur.
Le Rayon-Vert n’y est pas pour rien. Ce mastodonte de béton surplombant la Méditerranée surgit dans un ultime virage. C’est un ancien palace en forme de paquebot, un style classique de l’Art Déco. Inspiré par Robert Mallet-Stevens, l’architecte Léon Baille, un Catalan de Perpignan, l’a érigé au tournant des années 30, pour séduire une clientèle huppée en escale à Cerbère, entre deux trains, le temps de régler les formalités pour franchir la frontière.
Le Rayon-Vert n’est plus tout à fait ce qu’il eut été. C’est ce côté décati qui lui confère cette aura de mystère qui attire chaque nuit des aficionados du design. L’établissement affiche souvent complet. Jean-Charles Sin, le propriétaire, offre le tour des lieux. Le septuagénaire marche avec une canne mais assure grimper encore sur des échafaudages. La façade a été récemment ravalée.
Entretenir l’hôtel est un sacerdoce. « C’est un ogre », soupire-t-il, quand il parle de cette bâtisse, classée en 2002. Toute sa fortune, amassée dans le business des buffets de gare, y passe. C’est le petit-fils du fondateur. « Un fada », le décrit-il, tout en fouillant derrière son comptoir. Les clés de la réservation sont introuvables.
Monsieur Sin appelle l’employé de ménage pour faire préparer en urgence une autre chambre. « Rien ne presse », on le rassure. Le moteur d’une moto sillonnant la D914 résonne dans le hall. C’est pourtant le calme qui nous envahit à l’issue de ce road-trip dans les Pyrénées-Orientales. La sensation d’être enfin arrivée à destination.
> Pour organiser votre road trip dans les Pyrénées Orientales, vous trouverez des informations sur le site de l’Office du Tourisme régional ici.