Aujourd’hui, tout devient immersif, des expositions aux loisirs en passant par les boutiques, et la gastronomie n’y échappe pas. Longtemps centrés sur l’assiette, les restaurants ont décidé de titiller notre imaginaire et d’éveiller nos consciences. Désormais, manger ne se résume plus à savourer un mets : il s’agit de plonger dans un univers. À ces tables où l’expérience prend parfois le dessus sur la cuisine, l’assiette n’est plus toujours la star. Heureusement, certains établissements, comme Atica ou Quelque Part… Les Abysses, réussissent à conjuguer spectacle et raffinement, prouvant que l’immersion peut rimer avec excellence culinaire.
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Gastronomie immersive : entre étoiles et (des)illusions
Le pionnier du genre n’est autre que le chef triplement étoilé Paul Pairet, qui ouvre en 2012 Ultraviolet à Shanghai. Dix convives, vingt plats, et une synchronisation parfaite entre lumières, sons, odeurs et textures transforme chaque service en une scène de théâtre. Ici, la technologie se met au service de l’assiette, créant une symphonie visuelle et auditive où chaque détail amplifie l’émotion culinaire.
Le concept a finalement fait des émules. D’un côté, ont émergé des tables étoilées spectaculaires comme The Alchemist de Rasmus Munk à Copenhague et le flottant d’acier Iris, lové dans un fjord norvégien, qui font de la gastronomie une expérience holistique qui reste cependant l’apanage d’une élite prête à dépenser beaucoup pour une immersion d’exception.
De l’autre, des concepts plus accessibles qui entendent démocratiser « l’expérience ». Sans aller bien loin, Kodawari Ramen, à Paris, propose une immersion scénographique dans une ruelle de Tokyo ou un marché de poissons pour quelques euros (mais beaucoup de patience, les queues étant souvent très longues à l’entrée). Ce qui suffit amplement au dépaysement.
Depuis 2021, le groupe Ephemera – Under The Sea, Stellar ou Jungle Palace – s’est lancé dans l’immersion à grand renfort de projections et d’effets en tous genres. Mais à trop vouloir en mettre plein la vue, l’assiette est bien fade face au décorum. Allier surprise et subtilité, éveiller les sens sans les saturer, tout en maintenant une excellence gustative à prix raisonnable : mission impossible ? Atica et Quelque part… Les Abysses prouvent qu’il est encore possible de relever le défi.
Atica : un voyage multiculturel
Conçu par Ramzi Saade, ingénieur reconverti dans la cuisine, Atica à su trouver l’équilibre entre innovation et tradition. Comme pour respecter l’âme du lieu qui était un cinéma indépendant (La Seine), chaque soir et à heure fixe, les convives assistent à une « séance » de gastronomie culturelle.
Pour sa première saison, le Pays basque est mis à l’honneur. En guise d’introduction, une capsule olfactive iodée et pimentée créée par Ané Ayo, une parfumeuse de la région, nous immerge d’emblée entre océan et montagne. C’est au sous-sol que ça se passe, dans une salle tout en rondeur avec six mètres de hauteur sous plafond équipée d’un écran à 360 degrés sur lequel défilent des paysages sauvages accompagnés du souffle des vagues et du murmure du vent.
Le son et l’image jouent en rythme avec le ballet des plats qui puisent dans ce terroir, dont des pintxos réinventés en guise d’introduction et une superbe poitrine de porc sublimée par des jeux de textures. Chaque service est accompagné d’un pairing mets-vins (avec ou sans alcool) et il serait dommage de passer à côté des jus basques sélectionnés par le maître des lieux, des petites perles comme le Recoveco de Gil Berzal dont les vignes en bordure d’océan apparaissent dans les projections. Au bar comme dans la salle sensorielle, l’art culinaire dialogue avec l’art visuel, les traditions et la culture sans jamais céder au folklore ni au divertissement.
> Atica, 8 Rue Frédéric Sauton, Paris 5e,
Quelque Part… Les Abysses : plongée en haute gourmandise
À vingt mille lieues sous les mers, mais au cœur de Paris, Quelque Part… Les Abysses, imaginé par l’ex-Top Chef Florian Barbarot et le pâtissier Pierre-Henry Lecompte, invite à explorer les mystères des profondeurs marines. L’immersion commence dès l’entrée, où un escalier descend dans une salle tamisée, évoquant les fonds marins grâce aux plafonds noirs, aux murs oscillant entre bleu et vert profond, et aux tables aux textures minérales.
Sculptures, coraux et oursins ajoutent une touche onirique, sans recours cette fois aux projections. Ici, l’on ne parle pas de service, mais de palier, référence à la plongée. Algues croquantes, poissons délicatement laqués et bouillons iodés se succèdent dans une harmonie parfaite de textures et de saveurs. Le voyage abyssal en 9 temps (148 euros) promet une rencontre et une dégustation qui dépasse les attentes… Mais n’en dévoilons pas plus. Sans esbroufe, mais avec passion, ces deux-là savent surprendre.
> Quelque Part… Les Abysses, 1 Rue Ambroise Thomas, Paris 9e.
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