Le concept de fidélité ne se cantonne pas au domaine de l’amour. Entre Virginie Friedman et Delphine Versace, elle perdure depuis des années. Leur caractère jovial et rêveur, en plus de leur talent, font du duo Friedmann & Versace l’un des plus dynamiques de l’architecture d’intérieur parisienne. Elles conquièrent leurs clients non seulement par leur créativité mais aussi par leur sympathie – en témoigne Colère, le nouveau restaurant du chef Éloi Spinnler, tout juste inauguré en plein cœur de Paris. Il s’agit de la deuxième adresse que confie le chef à ses deux « partners in crime« .
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Les 7 péchés capitaux
Si la fidélité est une vertu, la colère est le premier péché capital. Éloi Spinnler, même pas 30 ans et 228 000 abonnés sur Instagram, s’est donné pour mission de tous les réinterpréter.
Après Orgueil, ouvert en 2022 rue Popincourt dans le 11e arrondissement de Paris, une table loin d’être vaniteuse, Colère prolonge la philosophie de la cuisine du chef, furieusement locavore et engagée pour ne dégager aucun déchet. Ici, la rage ne s’exprime pas par les réprimandes (encore heureux !) mais par le piment qui vient donner du relief à la plupart des plats de la carte.
Là où Orgueil se révélait pétri de références à un péché largement dépeint dans la littérature d’aujourd’hui et d’hier, Colère, en contraste avec son nom, s’adjoint un décor qui s’avère doux et enveloppant. Pas une once d’irritation dans la décoration de Friedman & Versace donc, qui ont privilégié avant tout le confort de chacun tout en dupliquant quelques uns des codes du premier restaurant imaginé pour le chef (banquettes recouvertes de tissus imprimés, appliques sculpturales, murs bruns…).
Une décoration signée Friedmann & Versace
On dit « être rouge de colère » : lors de la première visite, une sculpture de tête divine dominait la façade, imposante et furieuse, comme un écho aux dieux courroucés. De cette figure s’est tissé un récit où chaque détail évoque un élément de la nature en furie : le papier peint, dessiné sur mesure, et les tissus moirés évoquent l’orage et les vents tempétueux, tandis que le sol en pierre, aux joints orange brûlé, et les céramiques craquelées rappellent une terre aride, frappée par la sécheresse. La laque écarlate s’affiche comme un symbole vibrant de feu et de lave.
Aux murs, les patines bronze flammées, signées Atelier Paty, imitent les panneaux métalliques oxydés, rencontrant au plafond une nuée vaporeuse, créant ainsi une atmosphère aux tons acajou. Dans cette harmonie, les carreaux de terre cuite émaillée, réalisés par Les Céramiques du Beaujolais, apportent des motifs de chimères et de plantes désertiques, comme figés dans un paysage onirique.
Dans la salle gastronomique, installée face aux cuisines — un must ! —, un enduit terracotta à la texture mate dessine des tourbillons de terre rouge, contrastant avec un plafond laqué brillant et des pavés de verre aux reflets cuivrés.
Mais la pièce maîtresse reste sans conteste la majestueuse cheminée, dessinée par le studio et réalisée par l’Atelier d’Art Belge Gesso, inspirée des masques grotesques des jardins de la Renaissance italienne et des tragédies grecques. Elle arbore la tête d’un lion, symbole intemporel de force et de colère, et incarne l’âme du lieu, entre puissance et mystère.
> Restaurant Colère. 39 Rue Richer, 75009 Paris. Réservations.
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