Ses toiles s’apprécient en trois dimensions. On aimerait les savourer du bout des doigts, de la même façon dont on appréhende un nouveau canapé, en effleurant son tissu. L’artiste peintre Gaultier Rimbault-Joffard est un artisan des sensations. Il l’a toujours été. Dans son ancienne vie, il humanisait des lieux orphelins en les habillant de volumes, de couleurs, de chaleur… Aujourd’hui, il donne la même profondeur à des cadres tout aussi géométriques, qui expriment pourtant la texture de ses pensées dans un registre plus abstrait…
Formé à l’école Penninghen, Gaultier Rimbault-Joffard fait ses premières armes en architecture d’intérieur chez Christian Liaigre. Un apprentissage cinq-étoiles pour le jeune homme qui gardera de cette expérience un attrait tout particulier pour la rigueur du minimalisme. Il occupe ensuite le même poste successivement chez Maison Sarah Lavoine puis Pierre Yovanovitch, auprès desquels il affine sa conception du dialogue entre lumière et matière.
Art-chitecture
Désormais établi en tant qu’artiste-peintre, Gaultier Rimbault-Joffard n’a pas perdu ses réflexes d’architecte d’intérieur. « Sur mes toiles, je retranscrits les vibrations de la matière : la chaleur du bois, la brutalité de la pierre, la froideur du métal… Je ne traduis pas des matériaux mais des sensations. » Le travail du tangible a toujours été un élément clé de sa créativité. En intérieur, trouver la bonne essence de marbre est pour lui aussi parlant qu’une photographie accrochée au-dessus d’un lit. En témoigne, dans sa salle d’eau recouverte du sol au plafond d’une peinture parking neutre, l’écrin veiné encastré dans la douche qui y fait quasiment figure d’œuvre d’art.
L’école du subtil
Cette salle d’eau traduit une autre sensibilité de l’artiste. En choisissant d’arrondir tous les angles de cette petite pièce, Gaultier Rimbault-Joffard gomme les frontières entre les volumes. Ils s’imbriquent et se répondent. Sur ses toiles, façonnées en relief grâce aux outils qu’il a lui-même conçus, en sa qualité de designer, les épaisseurs font de même. La juxtapositions des aspérités et des trames créent une scène unique aux yeux de chacun. « Tout n’est pas dit, je considère que ce que l’on ne perçoit pas est plus fort qu’une vision imposée. » Toujours à la frontière du figuratif et de l’abstrait, celui qui prend le dépouillement de Brancusi et la poésie du mouvement Dansaekhwa comme inspiration ose, à l’image de ses modèles, utiliser le minimalisme pour traduire ses réflexions.
Let there be light
Chez lui comme sur ses toiles, la lumière s’impose comme l’un des fondamentaux de sa création. Pour aider la clarté naturelle à se frayer un chemin, Gaultier Rimbault-Joffard a remodelé les ouvertures de son appartement. « On n’a pas touché aux volumes existants pour minimiser les travaux. On a plutôt travaillé sur la communication entre les pièces pour donner une nouvelle lecture au lieu. » La texture de ses œuvres amène à la même conclusion : la lumière dirige le regard. Vers un détail, un défaut – c’est l’artiste qui le dit –, une épaisseur… Comme si la toile évoluait à chaque coup d’œil grâce à un jeu d’ombres et lumières. « Mes toiles ont un côté très sensoriel, on a envie les regarder de près. Elles apparaissent différemment de profil ou de face. »
La matière est la vraie couleur d’une œuvre
Dans son sanctuaire plus monochrome qu’explosion vitaminée, l’artiste avoue appréhender la couleur avec patience, tant chez lui que sur le canevas. « J’avance petit à petit, je ne la connais pas bien, j’apprends à voir comment elle réagit avec elle-même, comment elle se confronte ou s’associe à la matière. » Jouer avec les sens plutôt qu’avec les évidences fait la singularité du savoir-faire de cet artiste pluriel, dont les toiles sont en vente sur son site, chez Amélie Maison d’Art et exposées au showroom Archik, à Paris.