Qu’avez-vous ressenti quand vous avez été désigné Designer de l’année à Maison & Objet ?
Sebastian Herkner : Maintenant, ça va, mais la semaine qui a précédé le salon a été très stressante à cause de l’organisation de mon exposition. Être reconnu « Designer de l’année » à Paris, c’est un grand honneur, pour moi et mon équipe ainsi que pour tous les éditeurs impliqués dans nos projets. C’est fantastique !
Quand on expose à Maison & Objet en tant que Designer de l’année, que montre-t-on ?
Une vingtaine de nos produits, « classiques » et nouveaux, et particulièrement ceux réalisés avec des artisans. Il faut faire comprendre dans quel esprit ils travaillent et le temps que ça prend. Quatre jours, par exemple, pour tisser le dossier du fauteuil Mbrace de Dedon. D’où les matériaux exposés, mais aussi un film, pour faire découvrir la conception des produits et l’importance de l’artisanat.
Vous identifiez-vous à cette approche artisanale ?
Pas exclusivement… L’exposition montre aussi bien du design procédant de l’artisanat que du design industriel. Nous travaillons aussi avec des ordinateurs. Mais, dans ce que je fais, le plus important n’est pas de démontrer les possibilités de la technologie. Je cherche plutôt le juste équilibre entre technologie et artisanat.
Avec l’obtention de ce prix, le téléphone sonne-t-il davantage ?
Surtout pour faire des interviews ! (Rires.) Non, je trouve formidable tout cet intérêt que l’on nous témoigne de partout. Je pense que l’impact de Maison & Objet est énorme. C’est une manifestation internationale. Nous avons été contactés par des journalistes argentins, australiens… C’est tout bonnement extraordinaire.
Quelle image avez-vous du design en France ?
J’ai des créations françaises chez moi. En fait de « design en France », je pense indirectement à Eileen Gray (la designer et architecte irlandaise qui s’est installée à Paris en 1907, à l’âge de 29 ans, NDLR) ainsi qu’à l’étonnant Jean Royère, peut-être plus décorateur que designer. Les formes courbes de ses canapés reviennent en force.
Et dans la création française d’aujourd’hui, à qui pensez-vous ?
Ferréol Babin, qui vient de faire une lampe chez Pulpo, mais qui sculpte aussi des cuillères en bois, est incroyable. J’en ai récemment commandé deux. Ce qu’il dit, la manière dont il vit, son alimentation vegan… Je le trouve très intéressant. Je pense aussi à Ionna Vautrin. Et j’ai rencontré Matali Crasset une fois, au Zimbabwe. La scène actuelle du design français revêt une vraie spécificité de par son contexte et les individus qui l’animent. Cela vient aussi de l’enseignement dispensé dans votre pays.
Les designers ont-ils une pratique forcément internationale ?
Pour ma part, j’ai étudié dans une université allemande mais je ne me vois pas spécialement comme un designer allemand. De fait, qu’est-ce que le design typiquement allemand, français ou italien ? Ce qui nous conditionne, ce sont les études et le milieu dans lequel on a grandi, mais aujourd’hui on devient de plus en plus « hybrides », non ? Je me singularise par ma façon de faire, de voyager énormément, mais comme le font aussi ces designers français qui vont chercher leur inspiration ailleurs. Se mélanger est devenu facile. C’était différent du temps d’Eileen Gray, mais ça ne l’a pas empêchée d’être influencée par l’Asie ; elle en a même appris certaines techniques de laquage.
Peut-on s’inspirer de l’ailleurs sans voyager ?
Parfaitement. Vous allez au musée des Arts décoratifs et vous voyagez ! Aujourd’hui, en plus, nous avons Internet. Ce sont autant d’atouts. En même temps, certains styles locaux tendent à disparaître…