Est-ce paradoxal de faire une rétrospective quand on est une avant-garde ?
Jessica Walsh : Le terme de rétrospective ne nous gêne pas. Cela ne marque aucunement la fin de quoi que ce soit. (Rires.) Il s’agit avant tout pour nous, aujourd’hui, de montrer des idées et des projets.
Quelle organisation et quel type de muséographie avez-vous choisis ?
Une organisation par sections, car la moitié de nos projets a été réalisée pour des clients, et l’autre, de notre propre initiative. Nous montrons largement nos recherches et nos processus de développement de projets. Une grande part de notre travail est d’ailleurs en trois dimensions et assez tactile.
Vos clients aiment-ils vraiment l’audace ?
Il y a quelques années, nous devions les bousculer un peu. Maintenant, il est évident que s’ils nous choisissent, c’est parce qu’ils sont à la recherche de quelque chose de différent.
Sont-ils directifs ou vous donnent-ils carte blanche ?
Qu’ils attendent d’être surpris nous facilite le travail, puisque cela sous-entend qu’ils sont prêts à prendre des risques. Mais vous ne changerez pas un P-DG routinier.
Aujourd’hui, vous connaissez des P-DG frileux qui disent non à tout ?
Oui. Ce n’est même pas une question d’âge. De jeunes dirigeants peuvent être rétifs. C’est un état d’esprit.
Comment travaillez-vous ensemble, avec Stefan Sagmeister ?
De façon très instinctive, cela change constamment. Au départ, je devais me concentrer sur les demandes des clients et lui davantage sur nos projets personnels. Mais ce n’est pas sans passerelles, puisque Stefan s’investit également avec les clients. Entre nous, c’est un échange permanent.
Un projet personnel de l’agence peut-il inspirer un client ?
Énormément de choses, idées ou techniques, que nous explorons et expérimentons pour notre compte nourrissent des commandes de clients. Et inversement.
Quels sont vos projets les plus connus ?
Les gens se souviennent de « 40 Days of Dating » (le témoignage quotidien de deux amis, Jessica Walsh et Timothy Goodman, qui décident, en 2013, de sortir ensemble à titre expérimental durant quarante jours et de consigner chacun leurs impressions dans un blog, lequel a donné lieu à un livre après le succès « viral » du concept, qui a attiré environ 10 millions de visiteurs, NDLR) parce que le résultat a fait sensation dans l’industrie du design. Les professionnels nous connaissent aussi pour l’une des affiches de Stefan où il arborait des messages scarifiés sur son corps.
En abordant un projet, cherchez-vous à laisser la fraîcheur de votre regard primer sur votre expérience ?
Le plus important pour notre studio, c’est plutôt de traiter en permanence avec différents types de clients, venus du monde entier et exerçant dans des domaines variés. Ce renouvellement constant de notre expérience nous évite de nous répéter. Comprendre les clients, c’est presque un processus de formation continue.
Accompagnez-vous certains clients sur le long terme ?
Oui. Frooti, un client indien qui produit des jus de fruits avec qui nous travaillons depuis cinq ans, et Aïshti, un grand magasin libanais avec lequel nous collaborons depuis près de dix ans. En dehors d’eux, de nouveaux clients arrivent constamment.
Quelle est la chose la plus délicate dans votre métier ?
Gérer les relations avec les clients peut se révéler très délicat. Particulièrement quand il existe dans une entreprise plusieurs niveaux de prise de décisions. Il faut savoir vendre son travail et, surtout, à la bonne personne. Il n’y a pas deux clients qui se laissent convaincre de la même façon. C’est parfois simple, parfois laborieux.