Depuis 2014, diplômes de l’ENSCI et de l’Ecole Spéciale d’Architecture en poche, Martial Marquet navigue entre architecture, scénographie et design. Une liberté qui lui permet de décorseter l’esthétique du mobilier tout en créant des lieux de partage pour des événements festifs et artistiques. Récemment installé aux Ateliers de Paris, le créateur protéiforme se livre sur sa démarche singulière.
Vous êtes à la fois diplômé en architecture et en design. Pourquoi vouloir conjuguer ces deux disciplines ?
Martial Marquet : Parce que les deux m’ont intéressé dès l’adolescence ! J’ai commencé par un diplôme en architecture car je me suis dit qu’il y aurait plus de potentiel de ce coté-là. Néanmoins, j’ai vite repris mes études pour aller chercher une autre échelle, un autre rapport à la création, plus tourné vers la fabrication et le sens du détail.
La plupart de vos projets se destinent à un usage public. D’où vous vient cet intérêt ?
Ça doit venir de mon caractère… Il est vrai que la question du partage est assez importante dans mon travail. Je m’intéresse à la façon dont on peut créer des situations et des expériences. Et je me dis – de manière peut-être un peu naïve – que c’est plus simple dans l’espace public. Bien sûr, c’est possible dans l’espace privé mais on est quand même moins amené à y faire des rencontres…
Y a-t-il d’autres thèmes récurrents dans votre travail ?
La notion d’assemblage revient souvent dans mes projets. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment les formes peuvent suggérer la manière dont elles sont construites. Comment peut-on faciliter la lecture de leurs systèmes structurels ? Ces questionnements, je les ai découverts lors d’un stage de fin d’études à l’agence de Bernard Tschumi. Je crois qu’ils ont beaucoup influencé mon travail par la suite.
Ce concept s’exprime d’ailleurs dans vos projets présentés à la Biennale Emergence de Pantin…
Oui, d’abord avec Tool One, un projet que j’ai développé en 2017 pour Design Parade Toulon. Il invite des convives à constituer eux-mêmes leur mobilier : des tabourets, des tables ou des luminaires composés de formes récurrentes qui se déclinent dans un jeu d’échelles et d’assemblages. En se façonnant au fur et à mesure de l’arrivée des convives, le projet est à la fois théorique et pragmatique car très fonctionnel.
A ses côtés, je présente aussi Dirty Connections, un projet qui s’inspire des moulages, notamment ceux exposés à la Cité de l’architecture. Quand on observe leur revers, on découvre un mélange de filasse, de plâtre et de tasseaux réalisé de manière très spontanée. Cela rend l’envers du décor beaucoup plus riche et surprenant que la partie habituellement visible. J’ai repris cette idée en couplant une assise extrêmement lisse avec un assemblage presque viscéral. Cet aspect, peu habituel dans l’univers du mobilier, se réfère aussi à la question de l’auto-construction. Autoprogettazione, d’Enzo Mari, m’intéresse beaucoup, tout comme les performances de Jerszy Seymour.
Comment décririez-vous votre langage formel ?
On m’identifie généralement par le bois mais j’essaye de travailler différents matériaux en fonction de leurs propres capacités. Qu’il s’agisse de tubes métalliques, de madriers de bois ou de plâtre, le but est de respecter la matière, en tout cas de l’utiliser de manière juste, selon ses fonctions et ses proportions pour trouver un langage qui lui correspond.
Pour autant, cela n’empêche pas de vouloir jouer avec les propriétés de la matière, de les tirer sur les marges et de les confronter à des situations nouvelles. Y compris en détournant certains archétypes, comme dans le cas du Shadow Ring, un espace de convivialité en extérieur que j’ai réalisé cette année. Les pièces en bois utilisées pour le contreventement, d’habitude confinées à un usage structurel, dessinent ici le dossier des assises.
Une réinterprétation des archétype qu’on constate également avec le projet Prisão Break…
M.M. : Avec le collectif PZZL, on a décidé de jouer avec différents codes pour répondre à l’invitation de l’association portugaise Gato Morto. Depuis quatre ans, celle-ci essaye de réinventer une ancienne prison qui date du régime de Salazar. Pour rouvrir le lieu d’une manière légère et impertinente, on a imaginé sur l’un des miradors un objet hybride, qui rappelle à la fois une échelle de secours et le fauteuil LC4 de Le Corbusier, Jeanneret et Perriand. Le tout surmonté d’un parasol pour passer d’un point de vue autoritaire à un dispositif de repos et de détente.
> martialmarquet.com
> Biennale Emergences, du 11 au 14 octobre 2018, au Centre National de la Danse. 1, rue Victor-Hugo, 93507 Pantin.