Parmi vos derniers projets figure le Forum, une salle multifonctions à Saint-Louis, en Alsace. Vous avez beaucoup travaillé sur des bâtiments culturels…
Oui, et j’y prends beaucoup de plaisir car ce sont des lieux de rassemblement pour les citoyens. Des lieux importants où l’architecture doit être présente et forte. Un projet culturel doit à la fois être visible et expressif, mais en même temps respecter son site, être en harmonie avec son contexte. Et sans forcément exploser le budget. Le projet de Saint-Louis se situe dans une ville moyenne qui n’avait pas des moyens démesurés. J’ai vraiment eu à cœur de réussir avec un montant de travaux très serré. Nous avons travaillé sur une volumétrie recouverte d’un matériau unique : un métal déployé avec une belle teinte cuivrée très rayonnante. Il est devenu un point de repère dans la ville parce que son identité très simple et forte est facile à appréhender.
L’extension du théâtre de Béthune, dans le Pas-de-Calais, a été conçue dans le même esprit ?
Exactement. Je suis très attachée à Béthune parce que j’y ai construit un de mes premiers bâtiments culturels, gagné en 1993 : le centre dramatique national, achevé en 2000. J’ai ensuite été sollicitée en 2006 pour réaliser une extension ; un projet qui, pour des raisons budgétaires, a mis longtemps à aboutir.
C’est rare de retravailler sur l’un de ses projets ?
Oui, et c’est très intéressant. J’avais envie d’imposer une écriture qui ne soit pas une prolongation directe de l’existant. Les projets culturels sont de nature à mettre en danger les élus parce que les habitants peuvent se dire qu’ils n’en ont pas besoin. Mais je pense au contraire qu’ils en ont besoin. Je m’impose donc de respecter scrupuleusement les budgets.
Travaille-t-on différemment selon qu’un budget est confortable ou frugal ?
Ce qui est extraordinaire dans notre métier, c’est de vivre des situations très différentes. Pour le projet de Citroën sur les Champs-Élysées, je n’avais certes pas vraiment de limite de budget, mais j’avais d’autres contraintes, notamment celle de construire dans un endroit mythique pour un fleuron de l’industrie automobile française. Le cahier des charges était très concis. La demande était d’exprimer par l’architecture la marque Citroën, ses racines, son avenir. C’est très intimidant !
Très médiatisé, ce projet a contribué à vous faire connaître…
Tout à fait. C’est le premier qui a commencé à me donner une visibilité internationale.
Vous réalisez également des logements. Ces bâtiments poursuivent-ils des objectifs très différents ?
La question du logement est centrale dans une ville, et l’enjeu est considérable. Un projet de logements est aussi noble qu’un projet culturel. Les citoyens ne doivent pas s’imaginer qu’on a besoin d’un architecte uniquement pour un théâtre ou un musée. Le logement nécessite autant de créativité et d’inventivité. Et il est évident qu’une architecture réussie crée de la valeur, quel que soit le programme.
Les promoteurs sont assez peu enclins à innover en la matière. Mais c’était l’un des objectifs de « Réinventer Paris », une consultation dont vous êtes lauréate avec un immeuble de logements sur le site Edison, dans le XIIIe arrondissement.
Cette occasion de participer à un processus qui n’avait jamais été déployé à une telle échelle a été extraordinaire pour tout le monde, que ce soient les architectes, les promoteurs, les investisseurs, et aussi les Parisiens. « Réinventer Paris » a donné beaucoup d’idées, à la fois en France et à l’étranger, pour lancer des consultations et inciter les promoteurs à se renouveler. Je pense qu’il y aura un avant et un après.