Vous venez de dévoiler une collection pour l’entreprise de literie suédoise Hästens. Comment sélectionnez-vous les marques avec lesquelles vous collaborez ?
Ilse Crawford : Toutes mes collaborations sont le résultat de choix très personnels… Avec mes équipes, nous vérifions toujours que les valeurs défendues par nos partenaires soient compatibles avec les nôtres. Nous travaillons avec des entrepreneurs engagés, qui veulent construire un monde meilleur. Je me consacre invariablement à des projets qui mêlent bien-être, fonctionnalité et développement durable. Hästens est une maison familiale portée par des idéaux d’intégrité et de durabilité, qui investit dans les savoir-faire et apprécie la valeur ajoutée apportée par le design. Et de fait, elle améliore concrètement la vie de ses clients par une meilleure qualité de sommeil.
Qu’avez-vous souhaité apporter à cette entreprise familiale ?
L’inspiration me vient de l’expérience que j’ai progressivement acquise dans l’aménagement d’intérieurs. J’ai toujours eu à cœur de dessiner des espaces qui accompagnent le quotidien de mes clients, leurs besoins, leurs envies et leurs habitudes. Au fil des ans, nous avons vu se profiler un goût de plus en plus prononcé pour des environnements tactiles, avec des matières naturelles comme contre-point au monde moderne et à ses corolaires : les nouvelles technologies et un rythme de vie effréné. Plus la recherche avance, plus elle nous montre que le sommeil est un facteur essentiel de bien-être. Les gens stressés et épuisés sont rarement inspirés, motivés ou productifs… C’est pourquoi, au Salon du meuble de Milan, nous avons présenté une collection d’accessoires en matériaux 100 % naturels : une tête de lit en chanvre rembourrée, que nous avons accompagnée d’une jupe en chanvre également et d’un ensemble de linge de lit en lin blanc, doux et léger.
Quels sont les éléments auxquels vous prêtez le plus attention lorsque vous imaginez une pièce ?
En premier lieu, la matière. Je suis attentive aux finitions et aux couleurs, mais aussi aux méthodes de production et à la durée de vie de mes créations à travers un vaste travail de sourcing. Avec mes collaborateurs, nous favorisons des matériaux naturels qui parlent à nos sens. Nous voulons créer des pièces qui soient réellement aussi agréables qu’elles en ont l’air en photo. Nous ne sommes pas là pour produire de l’image mais pour élaborer des environnements concrets.
Vous travaillez beaucoup sur la notion de design social et favorisez les collaborations avec des petites entreprises comme Zanat. Selon vous, quel est le rôle social du design ?
Je reste fascinée par tout ce que le design peut apporter à l’humain, à ses besoins, à son conscient et son subconscient. Notre discipline accompagne les changements et, parfois, les provoque aussi, pour le pire et pour le meilleur. Dans mon agence, nous passons beaucoup de temps à observer nos contemporains, à comprendre leurs habitudes et leurs façons d’interagir avec leur environnement. Et, bien sûr, nous posons des tonnes de questions à nos clients avant de démarrer le moindre projet. Notre point de départ est systématiquement l’impact émotionnel, la valeur ajoutée, la façon dont le produit affectera nos vies, que ce soit avec IKEA ou avec Zanat, des marques pourtant très différentes. Ensuite, nous réfléchissons à la matérialisation de ces idées à travers des objets, des matériaux, des couleurs…
C’est le même état d’esprit qui a animé vos derniers projets présentés à Milan…
Après deux ans de développement, je viens en effet de présenter « Wellbeing », ma première collaboration avec le fabricant de tapis Nanimarquina. Quatre critères ont présidé au dessin et à la production de cette collection, qui comprend des tapis, un hamac, des coussins, une couverture et une tapisserie murale. Nous avons choisi un tissage manuel, des fibres naturelles, sans blanchiment ni teinture afin de minimiser l’impact sur les artisans et sur l’environnement. Nous avons également présenté un tabouret avec le programme néerlandais « Social Label ». L’idée était d’associer des personnes travaillant en ateliers protégés à la valorisation des rebuts du fabricant de tissus Raymakers – Royal Dutch Textile Mills. Bien que ces gens se trouvent en marge du marché du travail classique, ils possèdent un vrai savoir-faire et l’envie de concevoir de beaux produits.