C’est en 2012, autour d’une table à dessin de l’école d’architecture de Paris-Belleville, que Francesca Errico et Olivier Delannoy réalisent leur premier quatre mains : un projet de restructuration. Partageant la même façon d’envisager l’architecture, ils deviennent immédiatement complices. Olivier, 33 ans, est architecte HMONP (habilité à la maîtrise d’œuvre en son nom propre) diplômé de l’ENSA Paris-Val de Seine, de l’UCL LOCI Bruxelles et de l’université Panthéon-Assas en droit et économie de l’immobilier. Passionné de voile et de construction navale, il est sensible à la courbe et a fait ses classes chez Étienne Bruley (agence Hors Limites Architecture), qui lui a confié des projets complets dès ses débuts.
C’est sur le chantier de la Brasserie Barbès (Paris XVIIIe), avec Bruno Louvrier, qu’il affûte son sens du détail pendant les deux ans que durent les travaux. Il s’attelle à l’usage, aux circulations, à la scénarisation des lieux. Francesca Errico se focalise plus sur les volumes, le trait, la ligne… Née en 1985, elle est originaire des Pouilles, dans le sud de l’Italie. Au collège, son professeur d’histoire de l’art lui transmet sa passion pour l’architecture religieuse. Depuis, elle aime travailler les espaces, les proportions, la manière dont la lumière interagit avec les matériaux. Un parfait équilibre qu’elle retrouve dans la chapelle Notre-Dame du Haut de Ronchamp de Le Corbusier, projet auquel elle voue une admiration sans bornes. Diplômée du Politecnico di Milano, elle part en 2009 effectuer sa cinquième année en Erasmus à Paris-Belleville, dont elle sort diplômée en 2011.
Une volonté de « faire lieu »
Après des collaborations dans diverses agences, Francesca et Olivier réalisent ensemble la façade du Sourire, un restaurant du Ve arrondissement de Paris, et ouvrent en 2016 l’agence Reinh. Leur spécialité : « faire de l’architecture dans l’intérieur », explique Olivier. « L’intérieur d’un bâtiment est notre cadre d’expression favori, avec toujours la même volonté : faire lieu », renchérit Francesca. De fait, ce qui inspire le duo, c’est toujours le vide, qu’il vient créer puis occuper, comme à la brasserie Zebra, dans le XVIe : à une entrée en courbe succède une salle profonde qui, comme une nef d’église, distribue plusieurs zones aux ambiances différentes, appuyées par un travail de perspectives et des matériaux très texturés.
Les deux architectes se sont concentrés sur la nervosité du lieu, qu’ils ont imaginé comme une carrière de marbre à ciel ouvert et dont le parvis est revêtu d’un sol de cassons à l’ancienne. Quasiment invisible, la très subtile voûte aérienne en tubes d’acrylique retro-éclairés vient unifier et faire virevolter l’ensemble, tout en légèreté. Au Dépôt Légal, un écrin tout en horizontalité du centre de Paris dessiné il y a deux ans pour le pâtissier Christophe Adam, l’agence Reinh a travaillé sur la transparence et les verticalités. Le bar qui file le long de la salle de restaurant passe en plusieurs étapes d’une paroi opaque à une vitrine entièrement vitrée. Les perspectives ont également été redressées avec des appliques – dessinées par Francesca et Olivier – qui jaillissent verticalement.
Mais leur projet signature, c’est Daroco. Dans cette ancienne boutique de Jean-Paul Gaultier tout en hauteur, le duo a appliqué sa marque de fabrique, le travail du vide, en y logeant un miroir tendu au plafond et d’immenses suspensions… Un respect des lieux et un jeu avec l’existant rendus possibles grâce à leurs profils d’architectes.