Lors du Salon du meuble de Milan 2019, votre Six Gallery a fait sensation. Comment est-elle née ?
Fanny Grung Bauer : Notre associé Mauro Orlandelli avait trouvé le lieu, un ancien monastère du XVIᵉ siècle au sud du centre-ville. Nous voulions absolument en faire quelque chose, sans savoir exactement quoi. Dans une partie, Mauro voulait aménager un restaurant – c’est devenu le Sixième Bistrò. S’agissant du plus grand espace, nous étions dans l’expectative. En visitant, nous avons décidé d’y installer les bureaux de Quincoces-Dragó & Partners, mais mon grand rêve était d’ouvrir une galerie, comme un lieu d’expérimentation, libre de toute commande. Nous l’avons inauguré il y a deux ans. C’est un projet qui nous est très cher !
Espace et mobilier, créé ou chiné, Six Gallery nous immerge dans votre univers…
Je vois davantage Six Gallery comme un laboratoire… Sans clients ni limites, nous y approfondissons nos recherches du moment en toute liberté. C’est l’intention qui compte, la pure expression de la créativité sans contrainte.
Avez-vous choisi de faire de l’architecture intérieure et du design industriel ?
Je crois que, souvent, ce sont les clients qui orientent votre parcours. La commande entre en résonance avec ce qui vous inspire à un moment donné… ou pas ! David et moi dessinons ensemble du mobilier pour Six Gallery mais nous faisons aussi de l’architecture intérieure et du design industriel en passant constamment d’une sphère à l’autre.
Avez-vous déjà cherché à vous orienter vers un seul domaine ?
Non. De ce côté-là, nous ne contrôlons rien réellement (rires). Les choses arrivent comme elles arrivent. La créativité, c’est un flux, un peu comme une machine qui doit sans cesse être alimentée. Ce que nous faisons du mieux que nous pouvons. Il y a toujours un brief, bien sûr, mais aussi des tas de suggestions qui nous inspirent.
Quand vous étiez étudiants, vous a-t-on encouragés à expérimenter ?
Oui ! David et moi étions diplômés en histoire de l’art avant d’étudier l’architecture. Et je crois que cela nous influence encore dans nos recherches et dans notre façon de regarder les choses. Ensuite, je suis entrée à l’Académie d’architecture de Mendrisio, où enseignent des professeurs assez particuliers tels que Manuel et Francisco Aires Mateus, Peter Zumthor ou Mario Botta. Ce sont des professionnels qui repoussent très loin les limites de la discipline. David, lui, a étudié l’architecture à Milan et travaillé juste après, longtemps avec Piero Lissoni. Nous avons donc tous les deux été encouragés à expérimenter et à sortir des sentiers battus.
Quand vous avez débuté, vous a-t-on incités à vous lâcher ?
Non ! (Rires.) Nous avons commencé à travailler en Italie. Nous avons eu la chance d’y recevoir des commandes de clients privés merveilleux. Toutefois c’est un pays qui a un important héritage culturel et historique, avec des traditions. Nous avons donc dû les respecter dans certains espaces avant de pouvoir commencer à en repousser les limites. Il fallait de l’énergie et de la créativité pour amener ces projets plus loin. Nous avons dû composer avec ces règles que nous respectons.
La Norvège pour vous ; l’Espagne pour David. Vos origines se devinent-elles dans votre travail ?
Je dirais que nos cultures jettent sûrement une lumière positive sur chacun de nous. David est espagnol et méditerranéen, je suis norvégienne, très nordique, mais j’ai grandi en Italie, donc je suis aussi un mélange. David lui-même vit en Italie depuis longtemps. Si mon côté nordique induit un certain goût de la pureté, il se mêle à quelque chose de très différent parce que j’ai été élevée à Rome. David, lui, très espagnol, est relié à une certaine tradition, mais en même temps, nous sommes tous les deux très contemporains. Toutes ces influences s’imbriquent. Fidèles à nos origines, nous regardons au-delà pour ce qui est de concevoir du design.
Retrouvez l’intégralité de notre interview dans IDEAT 141, disponible ici