Quand on baigne dans l’univers de la construction, difficile d’échapper à son destin. Naître dans une famille de bâtisseurs a de toute évidence influé sur la vocation de Jean-Baptiste Pietri. Pourtant, le métier d’architecte, alors assimilé à celui d’artiste, n’avait pas spécialement bonne presse dans son entourage. Mais le goût de l’acte bâti, forgé au gré des voyages familiaux, notamment à Miami où il découvre l’incroyable patrimoine Art déco, l’emportera. Fasciné par la verticalité, découverte très tôt aux États-Unis, il y consacre son diplôme en 2000 : un gratte-ciel à New York, sous la direction d’Henri Ciriani, qui a influencé des générations entières d’étudiants. De cet enseignement, il a entre autres gardé le goût du dessin et noirci de croquis les sacro-saints carnets en papier kraft qui le suivent partout.
A la recherche de la beauté
Un film, une œuvre, un article, une citation : il note tout ce qui nourrit sa réflexion. « Je suis bien plus intéressé par l’actualité, la politique, la manière dont bouge le monde que par la scène architecturale », confie-t-il. Quand il crée son agence, en 2001, il est animé par la curiosité de se frotter à un métier qui lui fait à la fois peur et envie. Avec une vingtaine de collaborateurs à ses côtés, il a récemment quitté la rue de Valois (Ier) pour rejoindre la rue Popincourt, dans le XIe arrondissement. Curieux, discret et affable, Jean-Baptiste Pietri n’aime pas parler de lui. À 45 ans, il a néanmoins su trouver sa place dans un milieu qui n’a jamais été aussi concurrentiel. De son métier, il n’a pas une vision artistique, mais empreinte de la grande responsabilité qui repose sur les épaules de tout architecte aujourd’hui.
Rationalisme romantique
Son premier chantier, la villa Les Bains de mer chauds, fut un projet techniquement complexe, familial, sur un site aussi exceptionnel qu’enclavé, à Marseille, qui l’a immédiatement mis face à ses marottes, notamment la vue – une obsession. Aux architectures austères dictées par l’économie de moyens, Jean-Baptiste Pietri préfère celles, plus expressives, qui cherchent à émouvoir. Il croit fermement que l’architecture contemporaine doit parvenir à séduire pour renouer avec le grand public, un enjeu qui lui tient à cœur. Il se définit comme un rationaliste romantique, osant un mot dangereux à manipuler en architecture.
« Ma vision du romantisme est plus cathartique et passionnelle que mièvre. Je suis capable d’évaluer les gains de la modernité, mais on souffre aujourd’hui d’un discours de la raison poussé à l’excès, qui aboutit à cette pensée unique, au politiquement correct et à l’inflation normative qui font que l’irrationnel et l’émotion n’ont plus leur place. » A contrario, son écriture combine la rigueur du dessin et une certaine dose de poésie. Une architecture qui refuse d’être bavarde tout en étant expressive. Une subtilité qui lui sied parfaitement.
Amoureux de Paris
Pour Jean-Baptiste Pietri, Paris est l’une des plus belles métropoles. Amoureux de la ville classique, il se souvient de son « choc esthétique » en la découvrant. La cité phocéenne n’en demeure pas moins son port d’attache. « Marseille n’est pas réputée pour son harmonie ou son urbanité. Ses panoramas, ses paysages et son climat priment, même si la ville est aujourd’hui profondément métamorphosée et extraordinaire. » Entre la région PACA et l’Île-de-France, Jean-Baptiste Pietri n’a pas choisi. Outre une double culture d’architecte et de maître d’ouvrage héritée de sa famille, il partage son activité entre le Nord et le Sud. Construire ici ou là n’a pas la même signification : « L’architecture doit être contextualisée. » En région parisienne, à Clichy-la-Garenne, Sarcelles ou Romainville, les situations urbaines sont complexes et prosaïques.
Une architecture élégante et soucieuse de son contexte
Dans le Sud, Jean-Baptiste nous raconte une autre histoire. Quand il réalise La Barquière ou La Crique à Marseille, les formes s’arrondissent, le blanc prédomine et ses bâtiments expriment le lien très fort avec la région dans laquelle il a grandi. Face au fort de Brégançon, la capitainerie du port de La Londe-les-Maures revisite l’architecture balnéaire sans tomber dans la métaphore. Il aime le blanc, mais n’hésite pas à convoquer la couleur à La Seyne-sur-Mer (Redline) pour les passerelles, le patio, les escaliers.
À Marseille, il s’apprête à construire La Porte Bleue, une résidence de tourisme quatre étoiles et des logements en accession sur le quai d’Arenc. « Un projet qui se veut générateur d’un imaginaire sur ce site complexe aux multiples passages. Telle une porte de la Méditerranée, il vient s’ériger en souhait de bienvenue face à la mer, à l’adresse des Marseillais ou de quiconque arrivant par voies ferroviaire, terrestre ou maritime. » Le bâtiment présente des façades expressives, composées d’une multitude de voûtes en béton blanc, aussi contemporaines qu’inspirées des modes de construction méditerranéens. Une architecture élégante, soucieuse de son contexte géographique et culturel, qui saura de toute évidence éveiller la curiosité. À l’image de la vision défendue par Jean-Baptiste Pietri.