Pierre Hermé, le pâtissier qui met le design au service du goût

Figure incontournable de la pâtisserie hexagonale, Pierre Hermé ne cache pas son intérêt pour le design et la création contemporaine, dont il nourrit largement son propre imaginaire culinaire. Toujours pour le meilleur…

Difficile d’ignorer la portée du travail d’un Pierre Hermé dans la galaxie des desserts, et le vent de modernité qu’il a su insuffler à la pâtisserie. Celui qui fut successivement chef pâtissier de Fauchon et Ladurée et qui se trouve désormais à la tête d’une cinquantaine de boutiques à son nom, a notamment élevé le macaron au rang de bijou à croquer que l’on s’arrache à travers le monde. D’ailleurs, avant même de pouvoir le faire à Paris, c’est à Tokyo que les becs sucrés ont pu déguster, dès 1998, ses créations gourmandes dans une boutique signée Andrée Putman.

Sacré meilleur pâtissier du monde en 2016 d’après le classement des World’s 50 Best Restaurants et désigné par le Vogue américain comme « the Picasso of pastry », Pierre Hermé voue également un intérêt très personnel au design, à l’art et à la création contemporaine en général, que nul autre cuisinier du sucré n’avait su associer à des réalisations culinaires. « Lorsque j’avais une dizaine d’années, je me souviens de vacances en famille à Florence. C’est sans doute mon premier souvenir d’une émotion pour l’art et l’architecture », se remémore-t-il.

Un design culinaire qui matche

Cette curiosité ne le lâchera plus et va façonner son art de vivre. En 1993, il se distingue en travaillant avec un pionnier du design culinaire, l’Irlandais Yan Pennor’s, sur un entremets qui restera dans les annales : La Cerise sur le gâteau. « Au départ, j’avais sollicité ce designer, reconnu pour ses projets graphiques, pour créer le logo de la Maison Pierre Hermé. Au fil de la discussion, ce projet de dacquoise au chocolat et aux noisettes, qui ressemble à une grosse part de gâteau, a vu le jour. Nous procédions par allers et retours, où chacun faisait partager à l’autre son expertise », s’enthousiasme le pâtissier.

Pennor’s signera également par la suite le premier point de vente de macarons à Paris, rue Bonaparte (VIe). D’autres talents vont se succéder sur des projets de desserts, de confiseries, de chocolats, mais aussi d’objets, de lieux, de packagings… « Il n’y a jamais de mécanique préétablie pour démarrer un nouveau projet. Ce peut être le fruit d’une rencontre lors d’un dîner, par exemple, ou alors vraiment l’envie d’échanger avec un créateur dont je connais le travail, et dont, bien souvent, je possède l’un des objets ou l’une des œuvres », confie Pierre Hermé.

Recherche esthétique et quête de sens

Avec Matali Crasset, il va ainsi imaginer une série d’ustensiles de cuisine pour Alessi ; avec Patrick Jouin, des couverts à dessert réalisés par Puiforcat ; avec l’artiste Bernar Venet, une galette des rois et sa fève ; avec les architectes d’intérieur Olivier Lempereur, Laura Gonzalez et Masamichi Katayama, des boutiques ; ou encore avec le graphiste japonais Kenya Hara, une boîte spécifique pour l’Ispahan, l’une de ses créations iconiques, à la rose et au litchi. « Je dessine beaucoup pour formaliser et visualiser une idée qui me vient, précise le chef pâtissier. Et puis, je travaille avec une petite équipe de recherche qui développe chaque projet. J’ai toujours entre 50 et 60 projets de gâteaux et de produits en cours d’élaboration… Un dessert comme l’Ispahan a été retravaillé environ 80 fois, sous des formes nouvelles, dont bien évidemment le macaron. »

Pour autant, il ne recherche pas la perfection, qu’il déteste, en fait ; il aime plutôt porter son attention sur les détails et se laisser guider par un instinct créatif qui va l’entraîner sur de nouveaux territoires : « Comme pour le design, j’essaie vraiment d’allier au maximum la forme et la fonction, et, bien sûr, l’émotion. Ne pas simplement produire une esthétique qui ne renvoie à rien. » 

Pierre Hermé et le Japon

Après bientôt trente ans de liens étroits avec le pays du Soleil-Levant, il s’est dit qu’il pouvait bien s’aventurer sur la voie du japonisme pour imaginer sa prochaine collection, comme on le ferait d’une collection de mode. Ce mouvement artistique apparu en Europe à la fin du XIXe siècle, et qui se distingua par des créations influencées par l’art japonais, pourrait enfin trouver un pendant gastronomique à travers la série de créations sucrées que le chef pâtissier dévoilera prochainement…

A gauche : Pour la Maison Puiforcat, le pâtissier et le designer Patrick Jouin ont imaginé « Argent Gourmand », une collection d’orfèvrerie qui revisite le cérémonial de la dégustation. A droite : La collection d’ustensiles dessinée avec la designer Matali Crasset pour Alessi.
A gauche : Pour la Maison Puiforcat, le pâtissier et le designer Patrick Jouin ont imaginé « Argent Gourmand », une collection d’orfèvrerie qui revisite le cérémonial de la dégustation. A droite : La collection d’ustensiles dessinée avec la designer Matali Crasset pour Alessi. DR
La boutique Pierre Hermé & L’Occitane des Champs-Élysées, conçue par Laura Gonzalez.
La boutique Pierre Hermé & L’Occitane des Champs-Élysées, conçue par Laura Gonzalez. DR
A gauche : La Cerise sur le gâteau, sculpturale dacquoise au chocolat conçue par Pierre Hermé en 1993 avec Yann Pennor’s, pionnier du design culinaire. A droite : La boutique Pierre Hermé & L’Occitane des Champs-Elysées conçue par Laura Gonzalez.
A gauche : La Cerise sur le gâteau, sculpturale dacquoise au chocolat conçue par Pierre Hermé en 1993 avec Yann Pennor’s, pionnier du design culinaire. A droite : La boutique Pierre Hermé & L’Occitane des Champs-Elysées conçue par Laura Gonzalez. DR