1/ Dorothée Lange, une femme engagée
Dorothea Lange est l’une des rares femmes photographes à avoir été reconnue de son vivant, la première à bénéficier d’une exposition au MoMA, à New York, en 1966. Si la rétrospective du Jeu de paume permet de revoir ses œuvres majeures, dont celles mondialement connues prises en 1933 et 1934 lors de la Grande Dépression, et celles de 1935 à 1939 pour la Farm Security Administration, elle est aussi l’occasion de découvrir les clichés qu’elle réalisa dans les camps d’internement des Américains d’origine japonaise, jamais publiés avant 2006. Malgré des problèmes de santé liés à la polio contractée dès son plus jeune âge, elle a fait preuve d’un engagement social constant pour dénoncer les injustices dans son pays, comme en témoignent ses écrits accompagnant les prises de vue, pleins d’humanité.
« Dorothea Lange – Politiques du visible ». Au Jeu de paume, Paris VIIIe, jusqu’au 27 janvier 2019.
2/ L’esprit scandinave de Søndergaard
Dans le cadre de « Lumières nordiques : parcours photographique en Normandie », le musée d’Art moderne du Havre (MuMa) accueille l’élégante exposition de la photographe danoise, née en 1972, Trine Søndergaard. Autour de deux séries en couleur intitulées respectivement « Guldnakke » et « Interior », elle évoque son goût pour les coiffes historiques rebrodées d’or, ayant appartenu aux femmes de riches fermiers danois, mais aussi son attirance pour les manoirs nordiques aux pièces longtemps restées inhabitées. Inspirés par les tableaux de Vilhelm Hammershøi, peintre danois du XIXe siècle, les grands et moyens formats de la photographe traduisent sa recherche d’une esthétique baignée de douces lumières scandinaves. Les deux séries se répondent et composent une subtile narration sur les liens entre passé et présent, chers à l’artiste.
« Trine Søndergaard – Still ». Au musée d’Art moderne André-Malraux – Muma, au Havre (76), jusqu’au 27 janvier 2019.
3/ David LaChapelle, le king
Le photographe américain le plus déjanté de sa génération revient à Paris avec un titre plein d’espérance : « Letter to the World ». L’exposition, déployée sur les deux niveaux de la galerie, rend hommage aux grands maîtres de l’histoire de l’art, mais aussi au street-art, deux sources d’inspiration inépuisables pour David LaChapelle. Installé depuis une dizaine d’années dans la jungle d’Hawaii, il y a réalisé ses nouvelles œuvres sous forme de collages saturés de couleurs électriques. Ces grands formats, qui côtoient les portraits les plus fameux (Bowie, Warhol…), figurent tout à la fois les débuts de l’histoire de la photo, Léonard de Vinci et l’iconographie religieuse. Autour de ce dialogue imaginaire, les premières prises de vue, datant de 1983 à 1989, attestent déjà aussi de son intérêt pour la nature.
« David LaChapelle – Letter to the World ». À la galerie Templon, Paris IIIe, jusqu’au 22 décembre.
4/ Dave Heath, au cœur de la solitude
Inédite en France, la rétrospective de Dave Heath (1931-2016) met en lumière ce photographe américain méconnu du grand public. Appuyés par une scénographie épurée, les 150 tirages évoquent l’expression de la solitude d’anonymes dans l’Amérique des années 50 et 60. Dave Heath tient une place à part dans l’histoire de la photo américaine, sa pratique n’étant ni documentaire ni expérimentale. Abandonné à l’âge de 4 ans, il connaît une jeunesse marquée par l’orphelinat et les familles d’accueil. Adolescent, il sait déjà qu’il veut devenir photographe. Son ouvrage, A Dialogue With Solitude, conçu en 1961 et publié en 1965, épuisé depuis mais dont la maquette originale est présentée ici, exprime le sentiment d’aliénation et d’isolement qu’induisent les sociétés modernes. Une œuvre radicale, à découvrir absolument.
« Dave Heath – Dialogues with Solitudes ». Au Bal, Paris XVIIIe, jusqu’au 23 décembre.
5/ Regards sur la mémoire dans le Nord
Le festival Les Photaumnales fête ses 15 ans avec 28 photographes, exposés dans toute la région des Hauts-de-France, qui interrogent la notion de mémoire. Qu’il s’agisse d’histoire ou d’une géographie de l’ailleurs, avec comme point de départ les conflits de la Première Guerre mondiale, les travaux de Sybille Bergemann, d’Ambroise Tézenas, de Patrick Tourneboeuf ou de Sophie Zénon se penchent aussi sur des problématiques contemporaines. Cette année, le festival renforce sa présence dans la région. Les expositions se déploient notamment au Centre régional de la photographie de Douchy-les-Mines (59) avec le travail de Katia Kameli sur la question de l’histoire algérienne. L’hommage rendu à Thibaut Cuisset, immense photographe paysagiste disparu en 2017, à travers son projet « Le Fleuve Somme », à la Maison de la culture d’Amiens, mérite une mention spéciale.
Les Photaumnales. Au Quadrilatère, à Beauvais (60), jusqu’au 31 décembre. Et aussi à Amiens, Creil, Douchy-les-Mines et Noyon.
6/ Autour des jardins de Chaumont
Pour la deuxième édition de « Chaumont-Photo-sur-Loire », cinq photographes internationaux ont été invités à exposer dans les galeries du château ainsi qu’à la ferme du domaine. Parmi ces propositions, deux sont issues d’une résidence. L’Italien Davide Quayola dévoile ses travaux précurseurs autour de la géométrie des arbres et de la complexité de la nature. L’Américain Robert Charles Mann soumet au regard des « Solargraphes », qui recueillent l’empreinte évolutive des courbes du soleil. La technique de surimpression utilisée par le Finlandais Santeri Tuori évoque, elle, l’intemporalité des feuillages. Juliette Agnel fixe des paysages de l’extrême. Enfin, Alex MacLean présente des images aériennes, réalisées dans le cadre de la célébration des 500 ans de la Renaissance. Une jolie façon de prendre de la hauteur pour rendre hommage aux sublimes châteaux du Val de Loire.
Chaumont-Photo-sur-Loire. Au domaine régional de Chaumont-sur-Loire (41). Tél. : 02 54 20 99 22.