A 80 ans, –il en fait dix de moins- le photographe hollandais Robert van der Hilst a le privilège de continuer à vivre les rêves de ses 20 ans. Son plus grand et ancien désir était de voyager. Durant sa carrière de photographe-reporter, il a sillonné les cinq continents pour offrir aux lecteurs des magazines sa toute personnelle vision du monde, notamment à une époque où les gens voyageaient moins.
Dans les livres de ce photographe sensible, d’Intérieurs cubains à Intérieurs chinois, les images sont aussi audacieuses que respectueuses. On ne se moque de personne, il n’y a pas de regard en surplomb, comme au zoo. Pas d’intrusion non plus. Le point commun de toutes ses images, c’est l’oeil du photographe, lui que ses sujets regardent avec une bienveillance réciproque. Ces samedi 13 et dimanche 14 février 2021, la galerie Basia Embiricos (14, rue des Jardins Saint Paul, 75004 Paris) organise une signature de son ouvrage Intérieurs Chinois (Editions Gallimard, 18 € au lieu de 42 €) en présence du photographe, globe-trotter invétéré aujourd’hui basé à Paris. Rencontrer Robert van der Hilst, c’est voyager, dans période où l’on désespère d’enfin retourner ailleurs…
Quel était le sujet de vos premières photographies ?
Robert van der Hilst : A 20 ans, j’ai quitté la Hollande avec mon Rolleifleix sous le bras et j’ai voyagé pendant trois ans. Je suis parti comme ça, avec un peu d’argent, pour vadrouiller. A 22 ans, j’étais à Istanbul…
Les photos de vos premiers voyages ont-elles été publiées ?
Non, pas tout de suite. Ma carrière a plutôt débuté dans les studios, pour des photos commerciales. En 1963, j’ai travaillé à Paris comme photographe dirigeant le Studio d’Art des Galeries Lafayette. Je faisais le portrait des gens en noir et blanc, à la Harcourt, avec les lumières éclairant bien les visages.
A quel moment vos images ont été repérées ?
J’ai ensuite déménagé aux États-Unis où j’ai vécu quinze ans, à San Francisco avant d’aller ensuite à Toronto. A partir de cette période, j’ai commencé à travailler pour des magazines. De retour à Paris en 1979, c’est avec une exposition à la Fnac Montparnasse que mon travail au Mexique et au Guatemala a été remarqué. J’ai travaillé pour Géo, des magazines allemands, anglais, américains… Le téléphone sonnait et je partais !
Une seconde vocation pour les intérieurs
Journaux et magazines envoyaient facilement quelqu’un au bout du monde ?
Quand une rédaction pensait par exemple à un sujet sur les esquimaux du Groenland, je partais au moins trois semaines sur place. Cela a duré jusqu’aux années 1990. En 1995, je pars en Birmanie pendant un mois faire un très beau voyage pour Stern. Le magazine est riche, il se vend à des millions d’exemplaires en Allemagne. Au début des années 2000, je me suis dit que c’était aux plus jeunes que moi de faire ce type de reportage et que j’allais désormais me consacrer aux intérieurs.
Qu’est-ce qui a le plus changé dans votre métier ?
Quand on partait en reportage, pour Stern par exemple, c’était pour publier seize, dix ou douze pages de photos avec des textes superbes. Tout s’est arrêté aux début des années 2000. C’est là que j’ai choisi de faire du travail personnel et que j’ai commencé à photographier des intérieurs.
Comment s’est développé cette idée de photographier des intérieurs ?
J’ai commencé par aller à Cuba, où j’avais des amis, et cela a bien fonctionné. J’étais totalement inséré dans la vie là-bas. Mais je ne peux plus y retourner à cause de la crise sanitaire.
« Ma ville préférée, c’est Shanghai »
Vous avez ensuite voyagé en Chine. Préférez-vous Pékin ou Shanghai ?
Je n’aime pas Pékin… Les maisons traditionnelles y ont été remplacées par d’énormes bâtiments plantés le long de longues avenues. Ma ville préférée, c’est Shanghai. C’est autre chose. On a su là-bas préserver les belles rues et les impasses. Quand j’y suis, j’y reste un certain temps.
Comment vous êtes-vous introduit chez les gens, en pleine campagne chinoise ?
Par le biais d’amis chinois, notamment des artistes. J’ai pu ensuite exposer ces photos d’intérieurs dans des galeries et des musées, à Pékin, Hong Kong ou Shanghai. Je suis représenté par une galerie extraordinaire, ouverte par un américain à Shanghai. J’en ai vendu beaucoup en grand format mais pas à des Chinois ! Plutôt à des Taïwanais, des gens de Hong Kong ou des Occidentaux.
Jamais de causticité ou de regard en surplomb dans vos images…
Faire de l’humour ? Ce n’est pas mon style. Même quand je fais une photo avec des gens qui rient, je l’exclue tout de suite. J’en ai publié très peu. A part ce portrait de femme birmane, le cou allongé par le port de ses colliers. Elle mâchait du bétel quand elle a ri devant l’objectif. Cette photo-là, je l’ai gardée…
> Chine Intime, jusqu’au 15 avril à la Galerie Basia Embiricos. 14, rue des Jardins Saint Paul (75004 Paris). Téléphoner au préalable afin d’éviter une trop grande concentration de personnes. Tél. : 06 60 66 85 90.
> Signature du livre Intérieurs Chinois (Gallimard, 18 €) le samedi 13 et le dimanche 14 février 2021, de 12h30 à 17h30.