Sa démarche d’« archivage de l’invisible » n’est pas sans évoquer le concept esthétique de l’inframince développé par Marcel Duchamp. À l’instar de cette théorie, Paul Cupido tente bel et bien de capturer l’imperceptible et de rendre visible ce qui habite son imaginaire. En témoigne le cliché L’Échelle à la lune (2022), qui, comme son nom l’indique, illustre le rêve d’atteindre le satellite naturel de la Terre, voire de le décrocher…
À lire aussi : Les photos mode d’Arthur Elgort à voir à la Fondation Azzedine Alaïa
Poèmes visuels
Si, pour le photographe néerlandais, fabriquer une image de toute pièce revient surtout à « saisir le moment » sans trop considérer la technique, l’étape d’impression est en revanche envisagée avec beaucoup de précision.
Nourri par la philosophie japonaise du mono no aware, qui prête une attention particulière à l’éphémère de l’existence, Paul Cupido fait usage de procédés nobles et alternatifs comme le chine-collé (un support papier à deux couches offrant une toile de fond subtile et délicate), le cyanotype (monochrome) ou encore le tirage au charbon (non argentique et très pigmentaire) pour imprimer ses prises de vue.
C’est durant un pèlerinage chez les Japonais, en 2017, qu’il découvre la culture artisanale et dévouée de ce peuple, ainsi que l’art de l’imperfection, valeurs qui infuseront par la suite sa pratique. Au cours de sa résidence au Château Palmer, il compose des images à l’unisson des étapes de fabrication du vin.
À lire aussi : Retour sur Paris Photo 2022 et le mois de la photographie
À nouveau inspiré par l’environnement dans lequel il évolue, le photographe déploie une iconographie sensible qui rend compte de la beauté fugace qu’offre la nature.
Suggérée par fragments ou par jeux d’ombre et de lumière, la présence humaine qui se reflète dans certaines vues traduit l’idée d’une coexistence poétique entre la Terre et les corps. Dans Startoucher (2022), une performance vidéo, des silhouettes de mains filmées à contre-jour devant un fond bleu intense évoquant celui des cieux semblent se chercher sans jamais se trouver.
En rappelant les techniques du théâtre d’ombres reprises notamment par la pionnière du cinéma d’animation Lotte Reiniger et, plus tard, par Michel Ocelot, Paul Cupido développe une œuvre contemplative et symbolique qui dévoile avec justesse l’impermanence de la vie.
> « Paul Cupido ». À la galerie Leica, 26, rue Boissy-d’Anglas, 75008 Paris, jusqu’au 24 juin. Leica-camera-france.fr
À lire aussi : Irving Penn : ses photos de mode exposées à Deauville