Comment travaillez-vous avec Giulio Ridolfo pour les textiles utilisés par Moroso ?
Patrizia Moroso : Il est justement dans nos murs aujourd’hui ! C’est l’un de mes meilleurs amis depuis le début ; il est dans mon sillon depuis trente- quatre ans je crois, nous avons d’une certaine façon grandi ensemble et partageons la même passion pour le textile. Lui, c’est son métier, pour lequel j’ai une grande estime. Moi, je conçois comme si je jouais. Mais ce n’est pas mon consultant ; nous collaborons très naturellement et créons ensemble le mieux du monde. Avec Patricia et lui, nous avons travaillé et fait plein de bêtises ensemble, dans le monde entier.
Pour le textile, Moroso se fournit beaucoup chez Kvadrat…
C’est l’un de nos principaux fournisseurs. En 1988, j’ai découvert chez eux, lors du Salon de Milan, un très beau feutre. Eux-mêmes ont été surpris de nous voir devenir leur premier et plus important client italien. Giulio a commencé à travailler avec eux. Ils ont fini par lui demander de les rejoindre ! (Rires) Mais nous travaillons aussi avec des sociétés italiennes comme Rubelli, ou des éditeurs néerlandais.
Les designers ne jurent plus que par l’artisanat, vous sentez-vous pionnière ?
Oui, c’est un phénomène important aujourd’hui mais en même temps, l’artisanat, c’est quelque chose de tout à fait normal, non ? Ou alors je dis cela parce que nous sommes ici entourés de gens qui font tant de choses de leurs propres mains. Parce que les artisans qui travaillent ici toute la journée sur une structure en bois ou sur un projet spécial représentent pour moi le contraire du travail à la chaîne.
À propos d’artisanat, comment a évolué la collection « M’Afrique » ?
La production est toujours organisée par l’atelier créé au Sénégal par mon mari Salam (le peintre Salam Gueye, NDLR). Il est en train d’en construire un nouveau, à dix kilomètres de Dakar, parce que l’ancien, en ville, était devenu trop petit. Nous serons désormais dans un plus bel endroit, au vert, avec des jardins et des baobabs. Nous allons bâtir ce nouveau lieu avec des logements pour les artisans. Ce sera plus calme qu’en ville.
Des pièces ont également été produites, dans le passé, à Saint-Louis ?
Oui, c’est une très belle ville, moins frénétique que Dakar mais il est plus difficile de s’occuper d’un atelier à distance. Salam est originaire de Saint-Louis ; nous y avons donc des attaches. C’est là que nous avons réalisé les photos de notre catalogue. Il y flotte toujours l’atmosphère d’un Sénégal ancien d’où la frénésie est absente.
Moroso, chez qui on peut customiser, est-ce aussi lié à l’artisanat ?
La possibilité de personnaliser un modèle déjà unique, c’est fantastique. Pour moi, c’était évident car de formation artistique, j’avais cette façon de penser. C’est même le fait de développer des possibilités artistiques dans l’industrie qui m’intéressait. Aujourd’hui, qui commande des Nike sur Internet peut en choisir la couleur. On retrouve cette même attitude pour tout ce qui concerne la maison. C’était clair pour moi depuis longtemps. Nous avions un peu d’avance, on va dire. (Rires) Pour nous, faire quelque chose de spécial, c’est le mode de production normal. Pas tous les jours, certes. Mais pour un lobby d’hôtel par exemple, c’est bien.
Collaborer avec Diesel Living, est-ce faire un autre type de design ou produire plus ?
Diesel Living cultive une approche distincte de la nôtre. Nous, notre base, c’est le design et les designers. Aux gens qui aiment les jeans et les blousons en cuir Diesel, Diesel Living propose ce qu’il leur faut pour aménager leur intérieur dans le même esprit : du papier peint, du carrelage ou un sofa. C’est une part non négligeable de notre production mais ça reste différent de ce que nous faisons. Et cela m’intéresse justement parce que c’est différent ; la mode m’apprend des choses.