Patrick Norguet, en quoi consiste votre travail ?
L’objectif de mon job, c’est d’avoir une relation avec des entreprises pour faire des produits innovants, qui créent de la valeur en faisant tourner des usines. C’est ça qui m’intéresse. Je ne suis pas dans une démarche d’auteur ou d’artiste. Mon travail est vraiment contextuel. Qu’il s’agisse d’Ethimo ou d’Arflex Japan, je dois d’abord comprendre l’histoire des entreprises. J’apporte ensuite des solutions qui permettent de développer des marchés avec des innovations. Cela me nourrit plus que de mettre mon nom en avant. Le temps du designer star est révolu. Il faut plutôt être efficace auprès des marques en créant des relations pérennes au sein d’une économie complexe et mondialisée. Sans aller jusqu’à dire que mon travail est politique, je veux proposer aux gens un produit honnête, juste et qui fonctionne.
Quelle question revient toujours en interview ?
« D’où vient votre inspiration ? » Je réponds que je n’en ai pas, ou que c’est la vie : des rencontres, des gens, des matières, des usines, des voyages… Mon inspiration, c’est simplement de me lever le matin. Je pourrais enrober cela dans un beau discours, mais cela ne me ressemble pas. Je fais ce métier, difficile, par passion. On pourrait d’ailleurs parler de la reconnaissance du designer en France. Cette profession remplit les magazines, mais derrière il y a un vrai vide. Il serait temps de parler de la rémunération des designers. Mon approche au milieu de tout ça, c’est de créer des énergies positives.
Pourquoi cette étiquette d’autodidacte, alors que vous ne l’êtes pas ?
Les premiers papiers écrits sur vos débuts restent parfois gravés dans le marbre ! J’ai effectivement un C.A.P. de tourneur-fraiseur, ce qui me sert tous les jours. Puis j’ai fait une école d’ingénieurs et intégré l’École supérieure de design industriel (ESDI), à Paris. Après ma formation, pour subvenir à mes besoins, j’ai travaillé deux ans pour Vuitton, une période passionnante. Mais vingt ans après, on dit encore « Patrick Norguet, un designer qui a commencé dans la mode ». C’est le grand raccourci. Je ne suis pas un designer qui envoie juste un croquis. J’aime le détail et l’aboutissement, l’engagement sur un an ou deux pour arriver sur le marché avec un produit optimal, du concept à l’ingénierie.
Vous connaissez d’ailleurs bien l’univers du luxe.
Dès 2001, je franchissais la frontière entre design et mode. À cette époque, je collaborais avec Giulio Cappellini. C’est lui qui m’a permis, comme à d’autres nombreux designers, d’avoir mon passeport pour Milan. Grâce à lui, j’ai pu émerger. En 2001, j’ai réussi l’association de Cappellini avec Pucci : Giulio voulait un canapé et des fauteuils et, à Beaubourg, j’avais découvert un livre sur le couturier Emilio Pucci, dont j’ignorais le talent de graphiste. Je me suis dit que ce serait fructueux d’associer design et mode à la Fiera de Milan. Au final, le canapé Rive Droite et son fauteuil ont eu un succès incroyable.