« Si on m’avait dit un jour « Tu travailleras dans la publicité », je ne l’aurais pas cru. Si on m’avait dit « Tu deviendras le patron d’une des plus grandes agences de publicité du monde », j’aurais rigolé« , écrit sans détour Rémi Babinet, le fondateur de BETC. Dans Pas de publicité merci, sont retracées à la première personne du singulier 38 ans de carrière d’un professionnel chevronné. Souvenirs et anecdotes embarquent ainsi le lecteur dans un monde enchanteur, déclencheur de désirabilité.
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Dans la tête de Rémi Babinet
En mai 2016, le magazine Forbes le nommait parmi les 10 meilleurs directeurs créatifs de tous les temps – ou plutôt, depuis les débuts de la publicité. Rémi Babinet, passé par BDDP avant de fonder, en 1994, l’agence BETC, est l’esprit qui se cache derrière certaines (beaucoup) de campagnesqui ont marqué ces quarante dernières années.
Les jeux de mots sur les conserves Monoprix ? C’est lui. Le coup de foudre et la course à l’amour de Lacoste, tout comme leurs dernières affiches au crocodile géant sur fond blanc ? Encore lui. Les bébés nageurs d’Evian ? Toujours lui. Les films poétiques Air France ? À nouveau lui. Et son agence BETC. Le point commun de ces productions ? Faire naitre des émotions et effectuer un pas de côté pour susciter l’envie d’acheter.
Le titre de son livre, Pas de publicité merci, écrit en gros sur fond orange chantier, n’aurait pu être mieux choisi : il est aussi osé qu’une affiche qui masquerait l’objet qu’elle met en avant. Difficile de ne pas penser à celle de Petit Bateau, où un enfant, à quatre pattes dans le jardin, se cache derrière un chien. Heureusement que dans le coin en haut à droite, on lisait « Paul, 4 ans, porte un T-shirt renfort coude sur une pantalon surteint en toile avec poches zippées« , car impossible de le deviner. Et plus bas, le slogan enfantin façon étiquette brodée rappelait : « Petit Bateau, des vêtements pour faire des choses dedans« .
« Je me souviens de Je me souviens »
« Vous êtes déjà entrés dans une agence de publicité ? Moi une fois, il y a longtemps. Je n’en suis jamais ressorti.« À travers cet ouvrage de 1296 pages pour plus de 900 images, tout de même, le roi des pubards raconte ses 38 ans de carrière, dont 30 à la tête de son agence, BETC, dont les débuts ont été marqué par la nouveauté.
« J’ai eu la chance de commencer dans une agence qui commençait. À une époque qui commençait (les années 1980). Comme tout commençait au même moment, cette idée de commencement a été marquante pour moi. C’est là que j’ai attrapé l’esprit d’entreprise et d’aventure, c’est-à-dire le goût de commencer et de recommencer. »
La publicité est partout, se gravant sur rétines et dans les mémoires. Rémi Babinet en est convaincu appuie sur « la place que prend la publicité dans [les] souvenirs » de l’auteur de Je me souviens, et à la manière d’un Georges Perec, se remémore la robustesse des voitures Volvo, la fascinante mise en abime des boîte rondes des fromages La Vache qui rit, l’efficacité scientifiquement prouvée de la lessive Ariel, le jingle de Dim, une affiche d’une fille, une antenne radio coincée entre les lèvres comme si elle sirotait à la paille un diabolo – « Le slogan : « Buvez Europe 1, c’est naturel ! » À chaque fois que je passais devant dans le métro, j’étais scotché« , écrit-il.
Et d’avouer sans rougir être allé au cinéma autant pour voir des films que les publicités qui les précédaient. « La publicité est parfois un détail plus vrai ou plus fort de la réalité. » Qui en douterait ?
> « Pas de publicité, merci », de Rémi Babinet, édition JBE Books, 1296 pages, 35€ ici.
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