Felipe Oliveira Baptista, de Hyères à Lacoste en 10 mots-clés

Vendredi 18 novembre, IDEAT a assisté à la conférence « Talking Heads » à la Haute École d’Art et de Design de Genève. L'occasion pour Jean-Pierre Blanc, directeur du Festival de Hyères à la villa Noailles, de revenir avec Felipe Oliveira Baptista, directeur artistique de Lacoste et président du jury du défilé HEAD, sur son parcours et l'état de la mode en 2016.

 

1 > Hyères
En 2002, Felipe Oliveira Baptista reçoit le Grand Prix du jury au festival de mode de Hyères. À l’époque, contrairement à la majorité des candidats, il travaille déjà pour plusieurs marques (Max Mara, Cerruti…) et veut faire « des vêtements que l’on peut porter ». A cette occasion, il se rappelle avoir rencontré Sarah (de chez Colette, qui le soutiendra aussitôt), Didier Grumbach (qui préside la Fédération française de la Couture et qui sera d’un conseil précieux) et Valentina Maggi (de l’agence de recrutement Floriane de Saint Pierre qui quelques années plus tard pensera à lui pour Lacoste). Felipe décide dès ce moment-là de créer sa propre marque, POB, ce qu’il fera avec l’aide de l’enveloppe du prix du festival de Hyères puis celui, décisif, de l’ANDAM, qu’il remporte en 2003 et 2005. En 2013, Felipe est nommé président du jury du festival de Hyères. C’est la première fois qu’un ancien lauréat du festival occupe ce poste.

2 > 2010 : dans la gueule du croco
« J’ai reçu un appel de Valentina Maggi (qui travaille chez Floriane de Saint Pierre, cabinet de recrutement dans les métiers du luxe, NDLR). J’ai tout de suite demandé si je pouvais garder ma marque, FOB, et la réponse étant oui, on a pu discuter. Nous étions plusieurs concurrents, chacun devait proposer un projet pour la marque. (Valentina Maggi confie plus tard que Felipe Baptista Oliveira n’a pas proposé une collection mais tout un univers qui a d’emblée séduit Lacoste car il révélait l’intime compréhension de la marque). On a signé la veille de notre départ en vacances, on a bu deux bouteilles de champagne, à 6 heures du matin on n’avait pas fait les valises et on partait à 8 heures ! »

3 > Lacoste vs FOB
« Trois jours de présence par semaine étaient nécessaires chez Lacoste donc ça voulait dire que je n’avais plus autant de temps pour ma marque. Je l’ai donc arrêtée en 2013, c’était trop difficile de gérer les deux, en plus de ma famille. Le temps dédié à chaque collection est de plus en plus court car on est passé de deux à quatre collections annuelles. Parce que livrer, on peut toujours, quand on a les équipes derrière, mais est-ce que je continuerais à apprendre, à ce rythme ? Non. »

4 > Team
« Chez Lacoste on était 20, on est 40 aujourd’hui. En plus de la collection générale, il y a la collection sport, le prêt-à-porter, les look books et les campagnes… Et trente-cinq couleurs de polos qui se renouvellent tous les ans. Je travaille toujours un an avant tout le monde.
Pour les campagnes, je lance des idées (comme Rio et l’architecture de Niemeyer) mais c’est un travail d’équipe. Idem pour le choix des mannequins, d’une musique… Pour l’avant-dernier défilé, le sujet c’était les Jeux Olympiques. »

5 > Réseaux sociaux
« Je poste beaucoup de dessins sur Instagram. C’est comme un carnet virtuel. J’ai plus d’une centaine de carnets… Il a quelques années j’avais fait un livre qui compilait une photo prise par jour. Instagram, pour moi, c’est comme un journal ou un moodboard léger. »

Vanessa Schindler, la plus prometteuse des stylistes de la HEAD

Avec « Urethane Pool », Vanessa Schindler a remporté à l’unanimité le prix « HEAD master Mercedes-Benz » doté d’une enveloppe de 10 000 CHF. Le jury a salué une collection sensible, féminine, audacieuse dans les couleurs et les matériaux utilisés conjugués à un haut degré de technicité. La jeune styliste explique : « J’ai utilisé un polymère appelé uréthane qui, de base liquide, sèche lentement, devient gommeux et transparent. Dans le tissu, il est possible de l’utiliser pour souder des textiles. En exploitant cette propriété est né un nouveau vocabulaire de montage et de finitions… En renouant avec une certaine forme d’artisanat, il en découle un jeu entre fonctionnalité et ornement… Chaque pièce est unique. »

6 > Parcours
« Je me suis intéressé à plein de choses avant de me lancer dans la mode, comme l’architecture par exemple. Ce mois-ci,s je sors un livre de photos. Quand je suis arrivé à Londres (Felipe a suivi la formation de la Kingston University dont il est sorti diplômé en 1997, NDLR), je n’y connaissais pas grand chose en mode. J’ai ouvert un livre sur Balenciaga et là je me suis dit : Voilà, c’est ça que j’aime. »

7 > Paquebot
« Lacoste, créativement parlant, c’est très cadré ; c’est une marque qui a une histoire très forte. C’est plus difficile mais c’est très intéressant. Après les attentats, les intentions que j’avais sur la collection étaient guidées par des mots comme bienveillant, doux, authentique… Même quand on travaille sur un paquebot, il y a toujours une fenêtre pour s’exprimer. »

8 > Futur
« Le renouveau sera technique, technologique, on va aller vers le vêtement intelligent. La facilité de faire le pastiche d’une époque (le retour des années 70, 80, 90…), c’est fini et c’est heureux ! »

9 > Polo
« Mon rôle est de pousser en avant le renouvellement du polo. René Lacoste se voyait comme un inventeur (il a travaillé chez Boeing, Concorde…). Il y a aussi des choses qui entrent dans les collections grâce aux techniques propres au vêtement de sport. »

10 > Téléphone
« L’avenir, c’est se demander comment faire vivre autrement une expérience. Peut-être à travers des événements plus intimes… parce qu’on a parfois l’impression que certains défilés n’ont lieu que pour exister en 2D, sur un téléphone. »

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