Ultime vétéran d’une ère canaille où le loucherbem, l’argot des bouchers, se parlait à toutes les tables, le Bœuf Couronné creuse l’éternel sillon des restaurants carnés à deux pas de la Philharmonie, nouvel emblème d’un Est parisien en plein boum. Ils furent ici nombreux, certains étoilés, même après la fermeture des abattoirs, en 1974.
Déjà à la tête d’une flopée de brasseries, le groupe familial Joulie, qui a repris cet ancien fief de maquignons, a d’abord rajeuni la salle. Architecte DPLG et décorateur, Fabrice Ausset en a transcendé les codes traditionnels à coups de dessertes en marbre, de carrelages graphiques et de lustres en laiton dont le design audacieux tranche avec les bois vernis et les banquettes dodues.
Mais c’est avec la création d’un hôtel de 42 chambres que le Bœuf couronné ouvre un autre chapitre de son histoire. Derrière sa façade rouge sang, le restaurant prend ainsi de la hauteur sur quatre étages dont les plus élevés s’offrent une vue verdoyante sur le parc aux 26 folies de Bernard Tschumi. Dans les chambres, le parti pris est pastoral, usant de bois pyrogravé, de sangles en cuir et de fils de cuivre pour élaborer un mobilier sur mesure comme sorti d’une étable futuriste.
À noter, une vasque taillée dans le marbre au dessin léché, une chaise de traite revisitée ou encore un mur gainé de cuir où quelque 10 000 clous pointillent de hauts motifs. Vache, mouton, pot au lait, fleurs d’alpage… Les symboles champêtres font florès et mettent finement en lumière le geste des artisans, hérauts d’un savoir-faire français que Fabrice Ausset, tête chercheuse et collectionneur, aime associer à chacun de ses projets. À quelques foulées du canal de l’Ourcq et de Pantin où sont installés les ateliers Hermès et, plus récemment, l’agence BETC, cet hôtel indépendant s’impose en marqueur pertinent de la gentrification du quartier.
Le Bœuf Couronné. 188, avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris.
Tél.: 01 42 39 44 44. Boeuf-couronne.com
Chambres doubles, de 95 à 250 €.