Fini le petit foutoir des boutiques, le folklore, les sequins et les tapis berbères semés à la volée. Poppy Delevingne – l’égérie de Manoush – et les autres fidèles vont trouver la roulotte bien changée. Le nouveau décor de la boutique rue du Four, à Paris, laisse apparaître un coup de blush nude sur fond gris avec un zeste de cuivre pour rehausser le plancher en bois brûlé. Ce chambardement profite aux robes longues vaporeuses et rebrodées, aux gilets manouches, aux souliers fleuris et aux pochettes perlées. Créations signées Frédérique Trou-Roy qui, d’un coup de crayon, nous expédient été comme hiver à Ouarzazate ou aux Saintes-Marie-de-la-Mer ! Tournant international oblige, Manoush lisse son image pour l’exporter plus facilement, comme l’explique Julien Kouhana, président et actionnaire majoritaire de la marque : « Le nouveau concept mis en place il y a un an nous remet en question. On refait donc nos neuf magasins en France. Cela nous donne un coup d’accélérateur et une stratégie à long terme. On a retravaillé le site Internet, le logo, l’identité visuelle. On a même listé nos péchés de jeunesse. » Fondée en 2003 par Frédérique Trou-Roy avec deux copains financiers occasionnels, la roulotte d’accessoires a vite tapé dans l’œil de Patrick Pariente, fondateur de Naf Naf. Il va racheter, investir et pousser la créatrice vers le prêt-à-porter l’année suivante. En 2015, le chiffre d’affaires atteint les 12 millions d’euros, dont 70 % réalisés à l’international. Il place aussi Julien Kouhana aux manettes. Le gendre de Patrick Pariente et neveu de Judith Milgrom, fondatrice de la marque Maje, s’occupe donc de la stratégie. Frédérique Trou-Roy peut, de son côté, créer en paix tandis que le président de Manoush annonce sans prendre le temps de respirer l’ouverture d’une boutique à Londres et d’une seconde adresse à Tokyo, fin 2016, une future implantation à New York et des pourparlers avec un distributeur en Chine. « Et nous avons prévu le lancement d’une montre cet été ! Une première ! »
Loin de la foule
Dans la très chic rue du Four, Frédérique Trou-Roy scrute donc sa nouvelle vitrine. Cette brindille, enfouie dans un manteau aussi cosy qu’un nid de poussin, poursuit pourtant un mode de vie très alternatif : en province, dans une ferme isolée en forêt, avec sa fille de 3 ans et demi, et veillée par une armée de chats et de gros chiens. Né en 1969, ce délicieux spécimen de sauvageonne aux longs cheveux noirs y travaille aussi. « Je trouve agréable d’avoir mon atelier dans mon univers. J’accroche mes vêtements dans les couloirs de la maison. J’ai réussi à imposer cela à Julien Kouhana, qui a dû s’arracher les cheveux lorsque j’habitais près de Marrakech, en 2009, dans un coin également très paumé. Mais ce style de vie, c’est mon luxe. D’ailleurs, plus je m’éloigne de l’épicentre de ma société, plus les chiffres sont bons et le travail de qualité. Les voyages suffisent à m’ouvrir les yeux ! » Ses précieux dossiers de collection ne la quittent donc jamais, empilés parfois près de son lit. « Je démarre une idée à partir de tissus vintage. J’ai une sacrée collection de fripes ! Puis le dossier s’affine et je me réveille avec chaque matin. J’emporte ce brouillon partout avec moi. » Et hop ! de son cartable, elle tire pour nous des pochettes où l’on aperçoit ses croquis au crayon à papier. « Mes inspiratrices sont Jane Birkin ou Ali MacGraw. Quand l’alchimie devient parfaite, je vais alors très vite. Il me faut trois semaines pour sortir la collection. Celle de l’été a été inspirée par le styliste britannique des années 60 Ossie Clark et photographiée par Theo Wenner. » Tandis que l’ancienne élève de l’École supérieure des arts et techniques de la mode (Esmod) élabore tissus et motifs exclusifs – dont des broderies réalisées à la main en Inde –, sa production est reprise par les graphistes, les techniciens et les patronniers à Paris. La fille de la forêt a vu notre été en Technicolor, c’est ça Manoush, des couleurs, de la poésie, de l’insouciance et de la légèreté. On aime !