Gio Ponti, Villa Planchart (Caracas), poignée Cono
Si la poignée Cono n’est malheureusement plus fabriquée car inadaptée à une production industrielle, les amateurs du travail de Gio Ponti pourront toutefois l’admirer jusqu’au 5 mai, à l’occasion de la rétrospective que lui consacre le MAD (Musée des Arts décoratifs de Paris). Véritable icône, elle témoigne de la démarche prolifique du maestro italien, qui la conçoit au sommet de sa carrière, en 1954, pour habiller les portes de la villa Planchart, entièrement dessinée par ses soins sur les hauteurs de Caracas (Venezuela). Avec son manche conique et affûté qui dissimule astucieusement la rosette (plaque percée d’un trou pour le passage de la tige de la poignée), ce bijou de géométrie saura néanmoins s’adapter à des intérieurs nettement plus austères, notamment lorsque Gio Ponti l’intégrera à l’église San Francesco d’Assisi al Fopponino de Milan, achevée en 1964.
Gio Ponti, Tour Pirelli (Milan), poignée Lama
Toujours en 1954, Gio Ponti dessine la poignée Lama pour tendre un fil rouge entre les trente-deux étages de la tour Pirelli, qu’il conçoit en collaboration avec l’ingénieur Pier Luigi Nervi. Parfois considérée comme son ultime chef-d’œuvre, la silhouette élancée du gratte-ciel milanais y est déclinée à travers un manche affiné comme une lame, désormais disponible en finitions chromée, dorée ou anthracite. Légèrement teinté d’ergonomie, avec des courbes auxquelles la main s’adapte naturellement, ce profil épuré explique très certainement son succès, jamais démenti depuis sa création selon Antonio Olivari : « Lama est l’un des produits les plus vendus de notre catalogue. En fait, il est en production continue depuis 1956, signe de son extraordinaire modernité. »
Piero Lissoni, Hôtel Conservatorium (Amsterdam), poignée Link
« Pour mes projets architecturaux, j’avais besoin d’une poignée proche de ma conception du design : un objet silencieux, aux proportions justes, qui jouerait son rôle avec caractère mais sans être envahissant », précise Piero Lissoni à propos de Link. Fidèle à l’esthétique fonctionnelle de son auteur, la poignée s’inscrit dans la lignée des modèles utilisés au sein des usines et des ateliers, mais avec des formes « légèrement adoucies ». Produite à partir de 2006, elle a depuis rejoint de nombreux espaces conçus par l’architecte-designer. Notamment l’hôtel Conservatorium, à Amsterdam, aménagé dans l’ancien conservatoire de la ville en 2012, où son style archétypal répond aussi bien à l’architecture gothique du début du XIXe siècle qu’au mobilier édité par Kartell, Cassina ou Living Divani.
Daniel Libeskind, Résidences Citylife (Milan), poignée Denver
En 2009, Daniel Libeskind signe le premier objet de sa carrière avec Denver, une poignée inspirée par La Symphonie du Nouveau Monde, d’Antonín Dvorák, et « l’idée d’un espace ouvert à une infinité de possibilités ». Mais l’architecte déconstructiviste s’est aussi laissé influencer par l’approche de son aïeul italien : « À force de soustractions méticuleuses, j’ai obtenu une forme qui surgit dans sa version la plus minimale, un peu comme Gio Ponti y était arrivé avec le modèle Lama. » Nourrie par les lignes dynamiques de son architecture, cette simplicité fuselée s’exprime aujourd’hui dans ses résidences milanaises, dont la première tranche a été achevée en 2013 dans le quartier CityLife, un complexe de 16 hectares dont il a signé le plan directeur avec Zaha Hadid et Arata Isozaki.
Jean Nouvel, Tour 100, 11th Avenue (New York), poignée Chelsea
Tout spécialement dessinée pour le 100 11th Avenue, qui surplombe l’Hudson River depuis 2010, la poignée Chelsea est aussi exceptionnelle que l’emplacement de cet immeuble de 23 étages, entre un bâtiment de Frank Gehry et les galeries les plus courues de Manhattan. De la façade qui décuple les vues à cette poignée étonnamment voluptueuse, c’est un projet dans lequel Jean Nouvel a décidé de se laisser guider par ses sens. À mille lieues des manches tubulaires métalliques, Chelsea privilégie la douceur et l’ergonomie avec une forme modelée en caoutchouc. Du moins à ses débuts car, pour sa production en série, après des essais réalisés en bois et en verre, la poignée est finalement fabriquée en céramique depuis 2012, afin d’augmenter sa durabilité.
Zaha Hadid, Immeuble 520 West 28th (New York), poignée Chevron
Achevé en mars 2018, deux ans après la disparition de Zaha Hadid, le 520 West 28th matérialise l’unique projet new-yorkais de l’architecte irako-britannique. Si celle-ci n’a pas eu l’occasion de l’inaugurer, elle en a néanmoins signé les poignées en 2015 avec le modèle Chevron, une première collaboration avec Olivari qui détourne directement les reliefs de la façade de l’immeuble à l’échelle de la main. Une fois réduites, les pliures et courbures encadrant les ouvertures façonnent un creux délicat, idéal pour accueillir le pouce dans l’épaisseur du manche. Contrastant avec une rosette carrée, les lignes fluides et enveloppantes de la poignée évoquent plus largement l’ensemble d’une œuvre incomparable, dont l’aspect sculptural s’incarne ici en chrome, parmi un choix de finitions qui comprend également le bronze et l’anthracite.