Nouvelle vague architecturale : 5 créateurs à l’ère de l’IA

Telle une créature extraterrestre, l’intelligence artificielle générative suscite autant de fascination que de crainte. Si certains la redoutent, d’autres l’apprivoisent et en font un outil puissant au service de l’imaginaire et de la création. Entre pulsions artistiques et contraintes architecturales, l’IA ouvre de nouveaux territoires et bâtit des ponts inattendus entre formes libres et logiques structurelles, repoussant ainsi plus loin les limites imposées par les lois de l’attraction.

Tout cela n’a plus rien à voir avec de la science-fiction. L’intelligence artificielle s’est déjà fait une place dans l’univers du design et de l’architecture. En témoignent le concours d’art de la Colorado State Fair, l’initiation à l’IA générative au sein de l’école CREAD, ainsi que dans bien d’autres établissements, sans oublier la chaise A.I. de Philippe Starck pour Kartell ou encore certains travaux du célèbre cabinet Zaha Hadid Architects. Son directeur, Patrik Schumacher, a d’ailleurs reconnu que les membres du studio utilise une IA générative pour itérer des images et inspirer des solutions de conception. Une initiative qui est loin d’être une exception : la preuve par cinq.


À lire aussi : Les designers doivent-ils avoir peur de l’intelligence artificielle ? 


1. Richard Nadler : quand l’IA mixe Bauhaus et Japon

Artiste génératif allemand, Richard Nadler a récemment présenté à New York, en partenariat avec SuperRare, sa série ArchitTextures, un hommage au Japon, pays cher à son enfance où il se rendait souvent avec son père. Héritier du Bauhaus et fils d’architecte, il y marie l’art de l’estampe japonaise comme le modernisme architectural du XXe siècle. Grâce à l’IA générative, il a pu donner vie à ses rêves et bâtir sur papier ces édifices hybrides, harmonieux et en parfaite communion avec leur environnement naturel.

« ArchiTextures », de Richard Nadler (série).
« ArchiTextures », de Richard Nadler (série). Richard Nadler

Étranges et fascinants, ces bâtiments sont dépourvus de toute présence humaine, comme s’ils avaient été façonnés par dame Nature elle-même. Le béton fait écho à la texture végétale, dans une harmonie troublante, utopique, mais que la main de l’homme pourrait bien un jour, grâce à l’intelligence artificielle peut-être, rendre réelle.

> Compte Instagram de Richard Nadler


2. Andrés Reisinger : le design augmenté par l’IA

Depuis qu’il utilise l’IA, Andrés Reisinger voit la vi(ll)e en rose et partage, voire concrétise, ses hallucinations. Originaire d’Argentine, mais résidant actuellement en Espagne, entre Madrid et Barcelone où il a fondé ses studios, il tend désormais à effacer les frontières entre fonction et illusion, semant la confusion. Dans sa dernière série initiée en 2023, Take Over, qu’il développe sans cesse sur Instagram, il habille les villes historiques de parasols, plantes et autres drapés rose poudré. Point d’éléphants, mais autant de visions fantaisistes de Paris, Londres, Rome, New York, Tokyo…

Par ces images poétiques, il entend combiner, dans l’imaginaire collectif, les sphères physique et numérique, et faire en sorte que toute expérience, peu importe où elle se déroule, constitue quelque chose de réel. Pari réussi : les boîtes mail de l’artiste sont inondées de messages d’individus désireux de connaître les lieux et les dates de ses installations, qui parfois évoluent du virtuel au réel, semant ainsi encore davantage le trouble !

> Reisinger.studio


3. Carlos Bañon Blazquez : l’architecture computationnelle en action

Architecte originaire d’Alicante et fondateur du laboratoire AirLab à Singapour ainsi que du studio Subarquitectura, Carlos Bañón Blázquez se distingue par son expertise en design computationnel et en intelligence artificielle appliquée à l’architecture. Sa page Instagram en témoigne : elle fourmille de créations hors normes qui semblent tout droit sorties de films de science-fiction. Virale, sa série réalisée avec MidJourney de dix escaliers au style organique évoquant l’Art nouveau a récolté plus de 800 000 likes.

Œuvre de Carlos Bañon Blazquez publiée sur son compte Instagram.
Œuvre de Carlos Bañon Blazquez publiée sur son compte Instagram. Carlos Bañon Blazquez

Totalement décomplexé, l’artiste se vante d’utiliser l’IA et cite même parfois les outils qu’il emploie, contrairement à certains : formas.ai, Stable Diffusion… Ses récents travaux fusionnent habitat de béton et falaise rocheuse, créant des ruines futuristes détonantes. Mais Carlos Bañón Blázquez entend bien donner vie à ses projets, notamment à ses sièges végétaux Blossom, destinés aux parcs de Singapour – preuve que les créateurs augmentés franchissent désormais la frontière entre concept et construction.

> Compte Instagram de Carlos Bañon Blazquez


4. Alessandro Peritore : la bioarchitecture assistée par IA

La rencontre entre Alessandro Peritore et MidJourney a été décisive. L’intelligence artificielle lui a permis de visualiser ses fantasmes artistiques les plus fous. Mais l’architecte génois, designer et artiste spécialisé dans l’IA, ne s’est pas arrêté à ce simple plaisir. Il s’est aussitôt demandé comment l’IA générative pourrait lui permettre de révolutionner la bioarchitecture, en facilitant la création de structures qui s’intègrent au monde naturel tout en répondant aux besoins humains.

Série d’Alessandro Peritore réalisée avec MidJourney et publiée sur le compte instagram de l’artiste. 4/9
Série d’Alessandro Peritore réalisée avec MidJourney et publiée sur le compte instagram de l’artiste. 4/9 Alessandro Peritore

Désormais, les roches et les paysages montagneux ne sont plus, pour lui, des obstacles à surmonter, mais deviennent des partenaires fidèles du quotidien. Puis, il passe du minéral au végétal, en imaginant des bâtiments à l’esthétique très 70’s qui fonctionnent comme des « forêts verticales » en milieu urbain. Aucun doute pour lui, la machine est en passe de nous rapprocher de la nature.

> Compte Instagram de Alessandro Peritore


5. Tim Fu : une IA ancré dans la tradition

Ancien membre de l’équipe de recherche de Zaha Hadid Architects, Tim Fu vole aujourd’hui de ses propres ailes grâce au Studio Tim Fu, reconnu pour son intégration novatrice de l’IA dans des projets aussi bien conceptuels que construits. Il y développe un subtil équilibre entre technologie et humanité, point central de son œuvre.

Œuvre générée par IA par Studio Tim Fu.
Œuvre générée par IA par Studio Tim Fu. Studio Tim Fu

Pour son projet Lake Bled, il a par exemple utilisé l’intelligence artificielle pour réinterpréter l’architecture traditionnelle slovène, tout en respectant scrupuleusement les réglementations et les méthodes de construction locales. Sa manière d’appréhender et d’explorer le monde numérique le conduit toujours vers un design ancré dans le réel, constructible et fermement maîtrisé par l’humain – une rareté dans cette galaxie de créateurs augmentés.


À lire aussi : L’IA, nouvel outil créatif au service de l’artisanat ?