Thibault Marca (40 ans) et Lucie Niney (34 ans) font partie de cette génération qui n’a jamais connu la période bénie de l’architecture où la commande publique était opulente et les concours abondants. L’heure est désormais à la frugalité, toujours plus facile à appréhender quand on n’a rien connu d’autre ! Comme beaucoup, ils ont créé leur agence dans une conjoncture bousculée.
Avec une bonne dose d’optimisme, sans pour autant verser dans la béatitude, ils tracent leur route sans une once de nostalgie pour une époque qu’ils n’ont pas vécue, avec pragmatisme et envie. Ainsi, l’économie de moyens, l’absence de débauche technique ou l’intérêt pour les savoir-faire artisanaux ne sont pas des postures intellectuelles mais bien les conditions intrinsèques de leur pratique, avec lesquelles ils doivent composer. « Nous avons commencé notre exercice en temps de crise, disent-ils, hors de la richesse monétaire. Nous sommes convaincus qu’il est possible de créer de la valeur grâce aux projets d’architecture. »
Ces deux tempéraments complémentaires se sont connus, de loin, à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-La Villette, dont ils sont diplômés (en 2004 pour lui, en 2006 pour elle) ; puis d’un peu plus près, alors qu’ils faisaient leurs premières armes au sein de l’agence d’Agnès Cantin et Sandra Planchez, où ils ont acquis une certitude essentielle, celle qu’ils pouvaient travailler ensemble.
En 2010, Thibault Marca et Lucie Niney fondent NeM. Lui, à son compte depuis deux ans, parce qu’il ne concevait pas de rester seul. Elle, très tentée par l’émancipation après ses expériences chez les autres. Ils enchaînent alors les petits projets, au gré des opportunités, au hasard des rencontres : des extensions de maisons à Gentilly (94) et à Ambon (56) ; des aménagements intérieurs pour l’Épicerie générale ou le restaurant Table, à Paris ; des scénographies, comme celle de l’exposition « Degas sculpteur », qui s’est tenue au musée La Piscine, à Roubaix.
Les commandes se multiplient, le rythme impose une cadence soutenue. Car plus l’échelle est petite, plus la tentation du contrôle absolu est grande : « On se prend au jeu de tout vouloir faire soi-même, de tout réinventer pour sortir des standards, et on finit par dessiner le carrelage… Nous nous sommes retrouvés avec pléthore de miniprojets, ce qui est très chronophage. On s’est épuisés tout seuls ! » Ils s’attellent aussi à la rénovation de logements sociaux à Paris : « Un premier pied dans le marché public, ce qui n’est jamais une évidence : très formateur. »
Pour le même bailleur, ils achèvent en 2014 la réhabilitation lourde de six logements où ils concentrent leurs efforts sur les fenêtres et les vues : « Il faut choisir sa bataille. » Savoir si ce côté touche-à-tout est intentionnel ou simplement circonstanciel n’a finalement que peu d’importance : « Nous nous sommes tout de suite dit qu’on adorait cette diversité de projets et donc de rencontres, car c’est ce qui fait la richesse de notre métier. »